Léoncel et La Vacherie en 1944 – Juin 1944, la garde aux cols

Dans le Cahier de Léoncel N° 31, un article synthétise le déroulement des événements dramatiques de 1944 dans les deux communes de Léoncel et du Chaffal.

Pour compléter cet article, le détail chronologique de ces événements est donné en plusieurs parutions dans ce site. L’article ci-après présente le mois de juin 1944 : les deux communes sont désormais sur la ligne de défense du Vercors, les maquis s’y organisent, et les Allemands réagissent par des attaques aériennes.

Les données sont présentées en deux parties.

  • Des maquisards à Léoncel et aux Limouches.
  • Les premiers bombardements.

Il n’y a pas d’ouvrage d’ensemble sur le sujet : les sources sont soit des ouvrages publiés, soit des ouvrages non publiés (recueils de souvenirs), soit des entretiens avec des témoins ou des informateurs familiaux.  L’origine des informations est précisée dans le corps du texte. En fin de texte, la bibliographie est donnée.

Image de titre : « Compagnie Chrétien à Léoncel – Les membres de la compagnie de Résistance Chrétien. Accroupi en seconde position à partir de la gauche, le lieutenant Marcel Chrétien. » Fonds Mémoire de la Drôme.

Des maquisards à Léoncel et aux Limouches

Un bastion du Vercors

Léoncel et Le Chaffal (dont le chef-lieu est La Vacherie) forment un haut pays (900 m pour les chefs-lieux) surplombant le Royans (à leur nord), le pays de la Gervanne (à leur sud), la Raille (à leur ouest). Une barrière raide surplombe la Raille, une vallée étroite descend vers le Royans, un étagement plus ouvert descend vers la Gervanne. Un couvert forestier domine le territoire.

Léoncel et La Vacherie sont chacun à une extrémité du val de Léoncel. Au sud, à l’est, à l’ouest de La Vacherie, des vallonnements, terres de culture entrecoupées de bois. Surplombant Léoncel à l’ouest, se terminant en abrupt sur la Raille, le plateau de Combe Chaude mêle lui aussi bois, champs et prés ; à l’est de Léoncel, derrière la barrière de l’Échaillon, le plateau étagé de la Sausse est un plateau forestier, percé de quelques clairières cultivées, relié par le col de la Bataille au plateau d’Ambel.

Au XIXe siècle, trois routes ont ouvert le pays : une route nord-sud, de Crest à Saint-Jean-en-Royans, passant par La Vacherie et Léoncel ; deux routes ouest-est venant de la plaine de Valence, passant en brèche l’escarpement : l’une par le col des Limouches, aboutissant à La Vacherie, l’autre par le col de Tourniol, débouchant à Léoncel. Une quatrième route, partant de Léoncel, passant par l’Échaillon, mène au col de la Bataille et de là au haut Royans (Lente) et au Vercors central.

Ces voies sont des routes de montagne se prêtant aux embuscades.

Réorganisation de la Résistance en Drôme du centre

Le débarquement de Normandie fait se réorganiser la Résistance dans la Drôme : le Vercors se ferme en application du « Plan Montagnard » et les unités FFI du centre et du sud sont appelées à défendre le Vercors en priorité.

L’organisation adoptée est décrite par le Cdt Legrand :

  • « Le Cdt Benezech [surnom : Antoine] qui avait installé son PC pendant quelques temps à Montmeyran, s’était finalement replié derrière son bataillon : au village de Gigors.
  • Du nord au sud, on trouvait la Cie Chrétien à Charpey, au village de Combovin une compagnie de sédentaires locaux et la Cie du Lt Houtmann (…). En réserve, à mi-chemin entre le village et le plateau, le maquis du Lt Perrin à Ourches ; la Cie Planas [du Cne Planas, surnom : Sanglier] à La Rochette ; la Cie des Lt Roger et Roux recrutée à Bourg-lès-Valence (…) à Vaunaveys ; le maquis du Cne Pierre à Aouste. La Cie Chapoutat à Gigors, avec le PCC. La Cie Morin à 3 km nord de Gigors sur le plateau. La Cie Brentrup [du Cne Brentrup, surnom : Ben], en réserve, inutilisable pour l’instant, car non armée. Enfin autour du PC départemental [à Combovin] la valeur de trois sections (…). Un ajout manuscrit : 8e Cie Ladet au Marquet, ferme Boissonnier, plateau de Combovin 11/06/1944. »

Des compagnies sont omises dans ce texte : Cie Georges (Barbières), Cie Prunet (Combovin) , Cie Sabatier (Rochechinard), Cie Fayard (Saint-Jean-en-Royans).

Le journal de marche de la Cie Chrétien indique qu’elle est stationnée, le 7 juin, à Peyrus (et non à Barbières).

Carte des unités FFI au 10 juin 1944
J.P. de Lassus Combats pour le Vercors et pour la liberté, p. 47

[Sources. Organisation des FFI. ADD 132 J 22 Rapport d’activité du Cdt Legrand. – J.P. de Lassus Saint-Geniès et P. de Saint-Prix Combats pour le Vercors et les libertés. – ADD 97 J 25 Journal de marche de la 3e compagnie – CD-Rom La Résistance dans la Drôme AERD, article « René Fanget.]

Implantation des maquis à Léoncel et aux cols

[Sources ADD 132 J 11. Lt Chrétien Rapport – ADD 97 J 30 Jean-Pierre Bretegnier Maquis Michel – ADD 133 J 33. Renseignements sur l’occupation de LéoncelRenseignements sur l’occupation de Peyrus – Renseignement sur l’occupation de Saint-Vincent – « L’incroyable aventure de Louis Gabriel » dans Rochefort-Samson Patrimoine 1939-1945 Drômois dans la tourmente. – Pierre Lambert Les Lambert, chronique d’une vie familiale. – Guy Champéroux Souvenirs 1994. – Adrien Rousset, communication du 8 août 2020 – Albert Bertou Eynard, entretien du 5 septembre 2021.]

L’organisation des unités est remaniée après le 6 juin : les cols des Limouches, de Tourniol et du pas de l’Escalier sont désormais gardés, pour empêcher l’attaque du Vercors par l’ouest. Léoncel et La Vacherie sont sur la ligne de défense et d’accès au Vercors. Léoncel sert de point d’accueil aux candidats FFI : « Saint-Vincent sert de point de passage à de nombreux hommes montant dans la Raye pour le plateau de Léoncel. »

  • Le 4 juin, avant le Débarquement, est décidé le transfert à Léoncel de la compagnie stationnée à Combovin sous le commandement du Lt Wap (à la place du Lt Prunet , tué). Il s’agit sans doute d’un desserrement pour limiter la présence à Combovin.
  • Le 6 juin, l’ordre de monter au maquis est donné : les groupes se renforcent et l’état-major départemental les réorganise. René est chargé du commandement des compagnies du Royans et s’installe à Léoncel. Il s’agit de René Fanget, dénommée « lieutenant » ou « capitaine René ». (Il perdra ses responsabilités fin juillet ou début août, sans doute par reproche sur son commandement à Léoncel ; il regagne le grade de capitaine en août, dans la compagnie Pons). [Albert Fié 1939-1944 Scènes de vie, scènes de résistance, p.130]
René Fanget
Dessin d’Alfred Fié dans
« 1939-1945 Scènes de vie, scènes de Résistance » (p. 130, détail)
avec l’aimable autorisation de
Mémoire de la Drôme
  • Le 12 juin, la Cie Chrétien est déplacée de Peyrus au col des Limouches (autre source : 14 juin).
  • Le 27 juin, le poste de commandement départemental, placé sous la responsabilité du Cdt L’Hermine, s’installe au Grand Échaillon à la suite de l’attaque de Combovin : le PC départemental y était alors situé, à la ferme de Clair Noir. Cette date du transfert est donnée par le Cdt L’Hermine [dans la « Relation adressée par le Lt-Colonel Hermine », publiée dans Richard Duchamblo Maquisards et Gestapo 6e cahier, Éd. Biraud, Gap, 1949. P. 25-31. Document figurant dans le dossier ADD 409 J 134 Fonds Planas]. Dans les souvenirs de Jean-Pierre Bretegnier « Maquis Michel » la date « 22/6/44 » est portée à la main en début d’un paragraphe dactylographié : « Un matin l’EM de Hermine débarque à Léoncel au grand complet. Les Allemands (…) viennent d’effectuer sur le plateau [de Combovin] un raid en plein jour. » [ADD 97 J 30, ici p.43]. Le déplacement de Clair Noir vers Léoncel s’est plus probablement réalisé le 27 que le 22. On notera quand même que la « Relation adressée par le Lt-Colonel Hermine » comprend quelques erreurs : « Le Cdt Drouot l’Hermine (…) vient de déménager son P.C. de Combovin, durement attaqué, le 20 juin [en réalité le 22] , par terre et par air, à Lioucel [pour Léoncel]. » La date du 27 doit être confirmée.

Le PC départemental est installé dans la maison forestière de l’Échaillon : peut-être utilise-t-il aussi la ferme voisine du Grand Échaillon ?

Maison forestière du Grand Echaillon, 1930.
Photo collection Bodin.

Cantonnements et missions

La Cie Wap, à partir du 4 juin, garde le col de Tourniol et le pas de l’Escalier sur la route de Saint-Jean. Elle s’installe à Bérangeon (lieu-dit de Léoncel, au départ de la route de l’Échaillon) dans la maison de la famille Barraquand (Villa Jean-Pierre, ou Villa Bérangeon – Le bâtiment, reconstruit après la guerre, abrite actuellement les engins d’entretien des route). Un poste est installé dans l’ancien moulin, dans le vallon descendant vers Saint-Jean : la sixaine chargée de la garde de la route y loge. L’effectif est d’une centaine d’hommes.

Villa Jean-Pierre à Bérangeon
Photo coll. Bodin (détail)
Col de Tourniol vers 1930. Fonds ADL

Le PC du Cne René est implanté lui aussi dans la maison Barraquand.

La Cie Chrétien garde le col des Limouches. Son cantonnement est à la ferme Bellon, sur la route de Chauméane. Son PC est à la grange de Gaudemart, sur la route de Peyrus. Au 14 juin, elle a en effectif 56 hommes et en attend une quinzaine ; au juin, 30 hommes.

Maquis des Limouches.
Fonds Mémoire de la Drôme

Marie-Thérèse Gresse-Bénistand a donné des souvenirs de l’état de Gaudemart dans les années 1950. Sa famille s’y établissait en juin pour faire les foins, puis fin juillet pour faire paître le troupeau. « Nous nous installons dans cette ferme sans confort, reconstruite sommairement après la guerre. Seule la toiture, qui avait brûlé, avait été remise en état. Les murs de la cuisine portent toujours les inscriptions et les dessins des maquisards venus se réfugier longuement en ces lieux pour préparer les sabotages. Ces graffitis ne m’ont jamais laissée insensible. Je pensais à ces jeunes gens réfractaires du STO et cachés dans le Vercors pour combattre l’ennemi et je les admirais. On pouvait distinguer des noms, des dates, des messages… J’identifiais chaque inscription à un visage et je les imaginais. » [Marie-Thérèse Gresse-Bénistand Déterminée. Sur le chemin de mes jeunes années, autoédition, 2022, Peyrus. Ici p. 83-84 (ouvrage signalé par N. et J.F. Duvic]

Gaudemart
Photo D. Hyenne, mai 2022

La Cie Georges (de Barbières) établit un poste au pas de Saint-Vincent, installé aux Durand. L’effectif est de 15 maquisards : cinq scouts de Valence et dix jeunes gens de Barbières, encadrés par deux gendarmes. Le camp aurait été installé dès la fin de mai, au souvenir de P. Lambert (mais alors avec une simple mission de cantonnement).

Les routes sont coupées matériellement à certains endroits se prêtant à la défense, comme au col de Tourniol et sur la route de Saint-Jean, au pas de l’Escalier. Pour la route des Limouches, on décrit des chicanes dans un virage surplombé par des postes de tir (lieu-dit Rocher écrasé).

La route entre La Vacherie et le col de Bacchus est-elle coupée ? Très certainement, car le chemin du Pêcher (menant de La Vacherie aux gorges d’Omblèze) a été coupé par l’effondrement d’un virage, sur le côteau en face des Moreaux.

Coupure du chemin forestier dans le creux du Pêcher (dans le cercle rouge)

Source : Adrien Rousset, 8 août 2021

L’installation des maquisards

  • Souvenirs de Guy Champéroux.

[Sources. Guy Champéroux Souvenirs 1994 ; 2021 (inédits). Entretiens des 6 janvier 2022, Albert Bertou Eynard, entretien du 5 septembre 2021. Guy Champéroux, entretien du 9 janvier 2022.

Il est le petit-fils de la propriétaire de la maison de Bérangeon, Léa Barraquand, veuve de Jules Barraquand. Les maquisards sont une centaine, « logés en dortoirs dans les granges ». « Chaque jour, le poste à galène fonctionne pour recevoir les instructions [Le poste récepteur est manipulé par « le lieutenant » : René Fanget ?] et de temps en temps le soir quelques FFI partent : ils vont installer des feux de signalisation pour les parachutages. Des étrangers (Canadiens me semble-t-il) viennent parfois prendre le petit déjeuner à la maison avec les officiers FFI puis disparaissent. »   Mme Barraquand, clairement grande patriote, tient à offrir les meilleurs repas possibles à ces officiers de passage.

Une grande croix de Lorraine est tracée, à la peinture marron, sur un mur intérieur.

Un poste est installé dans l’ancien moulin : le Sgt Brétegnier est heureux de s’y établir pour échapper au « capharnaüm de Léoncel où, à la longue, surgissent des différends et des rivalités. » Trop de monde, sans doute, dans la Villa Jean-Pierre !

Un champ de tir est installé « sous les fayards », au départ de la route de l’Échaillon, où s’entraînent les maquisards et les jeunes gens qu’ils forment, chaque mercredi. Les cibles sont dans le pré au nord des fayards. Les maquisards de Léoncel ne manquent pas de munitions, en comparaison avec d’autres unités de la Drôme.

  • Souvenirs de Jean-Pierre Bretegnier (dit « Mémé ») maquisard de la Cie Wap.

[Sources. Jean Pierre Bretegnier, rapport sur le « Maquis Michel » ADD 97 J 30. Récit du même auteur, légèrement différent, dans Pierre Challan-Delval (Lt Pierre) « Du Nyonsais au Vercors – Les Darus, le maquis Pierre, le maquis Wapp » Gazette de la Gervanne N° 98 et suivants.]

« La compagnie composée de deux sections est répartie entre deux fermes. Un café [l’Hôtel du Bon Air de Paul Bodin], fort bien approvisionné en bons vins et en « Pernod » bloqué par la législation de Vichy en 1940, est autorisé à nous recevoir à certaines heures de la journée. »

« Léoncel est un petit hameau de cinq maisons dispersées autour d’une très belle église romane, dernier vestige intact d’un ancien monastère. À peu près inhabité l’hiver, Léoncel se peuple pendant l’été de la famille d’un très gros éleveur de bestiaux de Camargue qui amène ses troupeaux en transhumance. La personne la plus représentative du groupe est la propriétaire, Mme Barraquand. Elle est accompagnée de son régisseur [Robert Debré], avocat au barreau de Strasbourg, qui tremble en songeant aux conséquences de la présence des maquis sur le plateau. Il y a aussi une petite bonne qui donne du fil à retordre aux autorités du camp et trouble un peu la discipline… C’est la période des fraises des bois, la crème ne manque pas. Nous en remplissons de pleines bassines…

[Les troupeaux ne venaient pas de Camargue (ou d’Avignon, version du rapport ADD 97 J 30), mais de la Crau. Notons aussi la mécompréhension sur les craintes de M. Debré, le régisseur : celui-ci, juif, savait bien ce que sa famille et lui risquaient à l’arrivée de la Milice ou des Allemands.]

La route en corniche de St-Jean-en-Royans est minée et barrée par des chicanes dont les abords sont battus par des armes automatiques renforcées par des postes de grenadiers. Un vieux moulin situé au centre du dispositif abrite la sizaine chargée de la défense. Il contient un matelas et de la vaisselle assurant un vrai confort à ses défenseurs.

Des postes de guet, la vue porte à 2 km. Un autre poste au col de Tourniol jouit d’une vue admirable sur la vallée du Rhône et sur l’aérodrome de Chabeuil. La route qui a été minée est visible sur 12 km et ses abords présentent de nombreux à-pics. Mais il n’y a aucun abri à proximité. Il y fait froid, le vent est souvent déchaîné, la pluie fréquente, de même que le brouillard. »

  • Témoignage de Pierre Lambert, maquisard de la Cie Georges.

[Sources. Lambert, Pierre – Les Lambert, chronique d’une vie familiale, Éd. Peuple libre, Valence, 2015. Entretien du 11 février 2022.]

Un détachement de la Cie Georges garde le pas de Saint-Vincent. Il loge dans la maison isolée, aux Durand, au sud du pas (localisation par Yves Bodin et Gilles Raillon). L’installation est sommaire : les maquisards dorment sur la paille. Ils descendent rarement à Léoncel ou Barbières : les ordres sont portés par des agents de liaison, le ravitaillement vient de Barbières. Peu de contact avec les habitants proches (pour respecter la clandestinité) et avec les maquisards des compagnies voisines.

Le groupe de la compagnie Georges tenant le pas de Saint-Vincent
Photo prise aux Durand
Extrait de : Pierre Lambert « Chronique d’une vie familiale » – p.43

Premières attaques

Les événements militaires concernant Léoncel et Le Chaffal en juin sont liés à la surveillance des Monts du Matin par l’ennemi. L’activité des maquisards est connue des Allemands, qui font intervenir leurs avions et, le 22 juin, montent une attaque terrestre contre Combovin pour y détruire le poste de commandement des Résistants.

La chronologie ne découle pas d’une source unique : les faits ont été trouvés dans divers documents. Il se peut donc que d’autres événements (notamment des attaques aériennes) se soient produits, non répertoriés ou figurant dans des sources non inventoriées. Mais on peut écarter l’idée d’engagements terrestres sur le territoire des deux communes. Yves Pérotin écrivait en 1945 : « (…) avantages – défensifs, eux – que les nôtres remportèrent en début du mois [de juin] ; ils repoussèrent avec pertes d’agressives reconnaissances, notamment à Léoncel (sud du plateau) et sur la route des Écouges. » L’éditrice du livre d’Y. Pérotin, Anne Pérotin-Dumont, indique ne pas avoir trouvé « de détails sur ce qui s’est passé à Léoncel. » C’est peut-être l’attaque de Combovin qui est ainsi citée (l’auteur a rédigé ses souvenirs sans beaucoup de sources).

[Sources. ADD 500 W 24 Rapport du directeur de la Défense passive (R. Thibaud) au préfet de la Drôme, 15 janvier 1945 « Les bombardements aériens dans la Drôme au cours de l’année 1944 », p. 2 et p.7. – Guy Champéroux, Souvenirs, 1994, entretiens du 6 décembre 2021 et du 22 avril 2022 – ADD 133 J 33 Renseignements sur l’occupation de Léoncel – André Ottinger, Habitants et maquisards du Vercors – Recueil de témoignages, p. 71 – Yves Pérotin dit Pothier La vie inimitable – Dans les maquis du Trièves et du Vercors en 1943 et 1944, PUG éditeur, Grenoble, 2014. P. 205 – Délibérations du conseil municipal de Léoncel des 17 septembre 1944 et 4 février 1945, Archives municipales de Léoncel.]

< Le 13 juin, mitraillage de La Vacherie (cité dans le rapport de ADD 500 W 24 comme ayant eu lieu « 9 jours avant » le bombardement du 22 juin).

< Le 22 juin, des bombardements ont lieu sur Combovin, Beaufort, Plan-de-Baix. Des soldats attaquent Combovin, les maquisards perdent des hommes, dont l’équipe de radios, et du matériel, ce qui entraîne, le 23 juin, le transfert du PC départemental au Grand Échaillon.

< Le 22 juin, La Vacherie est également bombardée : « 3 bombes de 250 kg autour de la colonie de vacances, non atteinte, mais 4 immeubles rendus inhabitables et 12 endommagés ». « Ce bombardement, succédant au mitraillage qui avait eu lieu 9 jours plus tôt, décida la population à évacuer le hameau, qui devait être à nouveau attaqué un mois plus tard ».

La Vacherie après les bombardements. Fonds Mémoire de la Drôme

< Le 30 juin, c’est Léoncel : un mitraillage / bombardement fait un mort, Valéry Blin, domestique de la famille Barraquand. Ce bombardement n’est pas répertorié dans le rapport de ADD 500 W24. Mais il est attesté par les souvenirs d’Y. Bodin et de G. Champéroux, témoins ; par le récit du Sgt Bretegnier ; et par des délibérations du Conseil municipal. Sa date est placée au 6 juillet par le Sgt Bretegnier, mais l’état-civil de Léoncel donne bien le 30 juin pour la mort de V. Blin.

Guy Champéroux était allé, le matin, en charrette à La Vacherie porter de la nourriture aux bergers arrivant d’Arles, conduisant le troupeau de sa grand-mère (3 000 moutons en transhumance). Au retour il est mitraillé sur la route avant Léoncel. Vers 12 h 30 / 13 h, retour des avions, mitraillage et bombardement de Léoncel. V. Blin et G. Champéroux se réfugient sous un ponceau de la route de Tourniol. Une bombe projette de la terre sur eux. Valéry Blin est atteint à la colonne vertébrale. « Il est dégagé, le médecin FFI décide de le faire descendre à Saint-Jean ; une heure après la charrette remonte, il était mort. Pas du tout mort d’un arrêt cardiaque dans la soirée comme l’écrit ‘ Mémé ’. ». Guy Champéroux a été sorti de son ensevelissement au bout de trois heures.

Léoncel – Ponceau de la route de Tourniol
Photo D. Hyenne, mai 2022
Valéry Blin a été blessé à mort sous ce pont

Il y a des dégâts matériels : « l’église, l’école et la mairie ainsi que l’hôtel ont été partiellement endommagés ». « Les bombes de juin ont creusé à l’entrée de Léoncel d’énormes entonnoirs ». D’autres mentions de ces dégâts figurent dans les délibérations du Conseil municipal postérieures : en septembre 1944, le Conseil décide de renouveler le bail du presbytère au prêtre, le père Allard, en constatant que « cet immeuble, adjacent à l’église et en mauvais état par suite des bombardements, ne peut guère servir à une autre destination que le logement du prêtre. » De même, une délibération du 4 février 1945 sur l’installation de la cabine téléphonique du village indique que « le local a été sérieusement endommagé par les bombardements » (…) Depuis le mois de juin 1944, nous n’avons plus de téléphone ». Des photographies montrent la trace des éclats de bombes sur la façade principale de l’hôtel (trois bombes autour du bâtiment, au souvenir d’Y. Bodin, dont une non-explosée).

Guy Champéroux a une remarque intéressante sur ce bombardement, remarque qui rappelle que les Allemands, comme la Milice, utilisaient des agents doubles.

« Souvent arrivaient à la villa Bérangeon lorsque j’y étais, des « civils » désirant s’enrôler dans les FFI. Le Lieutenant [Lt René] (le Chef) se méfiait et faisait toujours encadrer le nouveau postulant par des anciens, pendant quelques jours. (…) Un jour, ambiance fébrile chez les FFI ! Nous apprenons que seules deux sentinelles FFI sont revenues du col de Tourniol, et non pas trois : la troisième, prétextant un besoin pressant, s’est éloignée des deux autres et s’est enfuie à pas feutrés, sans bruit, direction Barbières. Léoncel était bombardé le surlendemain. »

BIBLIOGRAPHIE

Bibliographie ne portant que sur les ouvrages cités, comprenant des passages sur Léoncel et Le Chaffal.

  • Bouvier, Loulou – Dis, Grand-Père, c’était quoi ta colo ? Éd. Deval, Romans, 2001.
  • Collectif – Pour l’amour de la France – Drôme – Vercors 1940-1944, Éd. Peuple libre, Valence, 1989.
  • Collectif (ANPCV) – Le Vercors raconté par ceux qui l’ont vécu, ANPCV Grenoble 1990.
  • Collectif – Des indésirables – Les camps d’internement et de travail dans l’Ardèche et la Drôme durant la Seconde Guerre mondiale. Éd. Peuple libre et Notre Temps 1999.
  • Collectif (AERD) – La Résistance dans la Drôme, 2007, CD-Rom, 2007.
  • Collectif – Vercors de mille chemins – Figure de l’étranger en temps de guerre. CPIE Vercors – Comptoir de l’édition 2013.
  • Collectif (Rochefort-Samson Patrimoine) – 1939-1945 Drômois dans la tourmente, Éd. Peuple libre, Valence, 2015.
  • Collectif – Subir… mais lutter – Drômois, Drômoises dans la seconde Guerre Mondiale, Éd. Mémoire de la Drôme, Bourg-lès-Valence, 2017.
  • Fié, Albert – 1939-1944 Scènes de vie, scènes de résistance , Éd. Mémoire de la Drôme, Bourg-lès-Valence, 2016.
  • La Picirella, Joseph – Mon journal du Vercors, autoéd. 1982.
  • La Picirella, Joseph – Témoignages sur le Vercors, autoéd. 1991.
  • Lambert, Pierre – Les Lambert, chronique d’une vie familiale, Éd. Peuple libre, Valence, 2015.
  • Lassus Saint-Geniès (De), Jean-Pierre – Saint-Prix (De), Pierre – Combats pour le Vercors et pour la liberté, Éd. Peuple libre, Valence, 1982.
  • Lieb, Peter Vercors 1944 – Resistance in the French Alps Éd. Osprey Publishing, Oxford, 2012.
  • Micoud, Lucien – Nous étions 150 maquisards. Éd. Peuple libre, Valence, 1981.
  • Pérotin, Yves, dit Pothier La vie inimitable – Dans les maquis du Trièves et du Vercors en 1943 et 1944, Éd.PUG, Grenoble, 2014.
  • Reynaud, Jean – Barraquand, Michel – Lente autrefois Éd. Bibliothèque municipale, Saint-Jean-en-Royans, 2006.
  • Samuel, Raymond – Habitants et maquisards du Vercors – Recueil de témoignages. Autoédition, 2018. Comprenant des souvenirs de : André Ottinger, Charles Émile Colombier, Jean Reynaud, Raymond Samuel.
  • Wyler, Christian – La longue marche de la Division 157, Éd. Grancher, Paris, 2004.