Cathédrales et abbayes méditerranéennes, juin 2023

Les 7 et 8 juin 2023, 38 adhérents des Amis de Léoncel ont pris la route en direction du sud, à bord d’un autocar de la société Bertolami. Arrivés vers 10 heures sur le site de l’ancienne cathédrale fortifiée de Maguelone, à quelques kilomètres de Palavas-les-Flots, un guide fort érudit nous attendait pour nous faire découvrir la longue et étonnante histoire de ce lieu, situé sur une petite éminence d’un cordon de sable entre mer et étangs.

On pourra trouver des précisions intéressantes sur l’histoire du site de Maguelone et les différents chantiers de fouille dont il a fait l’objet sur le site internet des Compagnons de Maguelone (dont nous allons dire quelques mots un peu plus loin).

Ce site est habité depuis la plus haute Antiquité. Dès l’époque romaine, le port de Maguelone, avec un accès direct à la mer, est actif. Le lieu est ensuite occupé par les Wisigoths (capitale Toulouse, puis Narbonne, puis Barcelone…). Ils sont progressivement chassés de la région par les Francs au VIe siècle, et l’Église en profite pour installer un évêché à Maguelone, avec construction d’une première cathédrale, dont il ne subsiste rien, à quelque distance de l’actuelle.

Puis vient l’occupation musulmane au VIIIe siècle et les combats avec Charles Martel, qui conduisent à la destruction de Maguelone. Il faudra attendre le XIe siècle et l’action de l’évêque Arnaud (1030-1060), grand bâtisseur, pour que le site revive et se développe. Arnaud construit alors une véritable forteresse militaire, dont les murailles englobent la cathédrale et les bâtiments canoniaux. Donné à la papauté qui le place sous sa protection, l’ensemble va connaître un considérable enrichissement aux siècles suivants, et la cathédrale sera agrandie pour atteindre son amplitude actuelle. Elle sera le lieu de refuge de plusieurs Papes au XIVe siècle.

Le site connaîtra ensuite une période de déclin, avec notamment le transfert de l’évêché à Montpellier en 1536. Progressivement abandonnés, les bâtiments restants seront vendus comme biens nationaux au moment de la Révolution, et passeront entre plusieurs mains peu scrupuleuses, jusqu’au rachat en 1852 par les Fabrège père et fils, qui consacreront temps et argent à des recherches historiques et au sauvetage de ce qui pouvait l’être. Leurs descendants les redonneront au diocèse de Montpellier en 1949.

Le site est actuellement occupé et géré par les Compagnons de Maguelone, qui sont un ESAT (Établissement et Service d’Aide par le Travail), et qui procurent une formation professionnelle et un hébergement à des personnes en situation de handicap. Notre déjeuner, pris en extérieur avec la mer à l’arrière plan, a d’ailleurs été préparé et servi par les résidents de l’ESAT, encadrés par des moniteurs, à la satisfaction générale.

Après le repas, nous nous sommes dirigés vers l’ancienne abbaye cistercienne de Valmagne, par une petite route très étroite pour notre autocar.

L’abbaye a été fondée en 1139 par Raymond Trencavel et les seigneurs de Cabrières, qui y installèrent des bénédictins venus d’Ardorel (Tarn). Très rapidement, en 1159, ceux-ci s’affilièrent à Cîteaux et l’abbaye connut une période d’expansion exceptionnelle, qui en fit une des maisons les plus riches du sud de la France. Un siècle plus tard, les moines vont construire une nouvelle église, de style gothique, beaucoup plus vaste que l’église primitive : 83 m de longueur, 25 m de hauteur. C’est une des plus vastes églises cisterciennes conservées en France.

L’abbaye sera pillée au moment des guerres de Religion, un abbé commendataire, passé à la Réforme l’ayant prise d’assaut et tué tous les moines avant de saccager tout ce qui pouvait l’être.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, Valmagne retrouve un peu de sa splendeur, grâce à l’action de plusieurs abbés d’origine florentine, dont le plus célèbre est le cardinal de Bonzi. Il réalisera de nombreux aménagements destinés à améliorer l’aspect des bâtiments et le confort de ses occupants.

À la Révolution, les moines durent s’enfuir, et l’abbaye fut de nouveau pillée et toutes les archives brûlées.

Vendue comme bien national, elle fut acquise par un viticulteur qui installa dans l’église les grands foudres que l’on peut encore voir dans les bas-côtés.

En 1858, l’abbaye a été rachetée par le comte de Turenne, et est toujours restée dans sa famille depuis cette date.

Notre groupe s’est alors dirigé vers Narbonne pour y faire étape pour la nuit. La matinée du lendemain a été consacrée à une visite très détaillée de l’abbaye de Fontfroide, située à une douzaine de kilomètres à l’ouest de Narbonne. Nous y fûmes accueillis par un excellent guide, qui de plus connaissait Léoncel…

Une communauté religieuse est installée à cet endroit dès 1093 par Aymeric Ier, vicomte de Narbonne. Mais c’est en 1146 que Fontfroide, devenue abbaye, s’affilie à celle de Grandselve (Tarn-et-Garonne) et devient ainsi Cistercienne.

Sa prospérité augmente alors très rapidement jusqu’à la fin du XIIe siècle, avec notamment la création d’une maison fille à Poblet (1151) et le développement de nombreuses granges parfois très importantes.

Les premières campagnes de construction de l’église datent de cette époque.

Au début du XIIIe siècle, l’engagement de l’ordre dans la prédication contre les cathares en Languedoc va apporter de nouvelles richesses par le biais de donations par les seigneurs laïcs, permettant par exemple la création d’une nouvelle fille, Valbonne, au diocèse d’Elne en 1242. Les bâtiments de Fontfroide vont être remaniés et enrichis.

À partir de la fin du Moyen Âge, l’abbaye va connaître le régime de la commende, avec pas moins de quinze abbés qui vont se succéder jusqu’au XVIIIe siècle.

Au moment de la révolution, le pillage sauvage est évité, mais l’abbaye va connaître une période chaotique tout au long du XIXe siècle, avec différentes occupations, laïques et religieuses. Sous le coup des lois anticléricales, les derniers religieux quittent définitivement les lieux au tout début du XXe siècle.

L’abbaye est rachetée en 1908 par Madeleine Fayet d’Andoque qui entreprend de vastes travaux de restauration. De nouveaux vitraux sont notamment installés dans l’église.

Avec son mari Auguste, Madeleine reçoit à Fontfroide de nombreux artistes comme Odilon Redon, Louis Bauzil, Aristide Maillol ou Déodat de Séverac. La bibliothèque, que nous avons pu visiter mais où la prise de photographies n’est pas autorisée, est notamment ornée de grandes toiles peintes par Odilon Redon.

Après une rapide visite des jardins soigneusement entretenus et un excellent déjeuner au restaurant de l’abbaye, nous sommes retournés à Narbonne pour une visite du centre médiéval.

Nous nous sommes laissés guider pendant deux heures à l’intérieur d’un périmètre très restreint mais d’une richesse exceptionnelle.

Après un historique général devant la façade de l’ancien palais des archevêques, aujourd’hui hôtel de ville (photo ci-dessus), notre guide nous a entraînés dans la cour du « Palais vieux« , dite cour de la Madeleine, en empruntant le passage de l’Ancre (ci-contre).

On peut notamment y admirer une façade percée d’ouvertures de divers styles (roman, gothique, Renaissance), le clocher carré carolingien de St Théobard et l’abside de la chapelle de l’Annonciade, le tout dominé par l’imposant chevet de la cathédrale :

En retraversant le passage de l’Ancre dans l’autre sens, on pénètre dans la cour du « Palais neuf », dans lequel nous avons pu visiter rapidement, au premier étage, l’ancienne salle des synodes :

Au bout du passage de l’Ancre, on pénètre directement dans le cloître de la cathédrale. Il date du XIVe siècle et est entouré de galeries à hautes voûtes gothiques. De belles gargouilles ont été restaurées ou refaites récemment.

La cathédrale St Just-et-St Pasteur, également élevée au XIVe siècle, est restée inachevée, seul le chœur ayant été réalisé afin de préserver le rempart antique, encore fort utile à cette époque. L’intérieur surprend par la hauteur des voûtes, qui atteignent 41 m. Le chœur est entouré d’un déambulatoire et de chapelles rayonnantes, et est décoré de nombreuses œuvres d’art (peintures, sculptures, tapisseries).

Il nous aurait fallu bien plus de temps pour pouvoir flâner encore dans les rues de cette agréable cité, et c’est un peu à regret que nous avons dû reprendre la route pour le retour.

(Photographies A. Ainardi)