XIIIème SIECLE : ECHOS DES RELATIONS DE L’ABBAYE ET DU CLERGE(5) LES RELATIONS DE L’ABBAYE AVEC SAINT FELIX

Il s’agit d’un prieuré, reste d’une ancienne abbaye d’Augustins dont l’abbé bénéficiait de la 3° dignité du chapitre cathédral de Valence. En dépendaient les prieurés de Châteaudouble et de Saint-Nazaire en Royans et ceux plus modestes d’Aiguebonne (quartier d’Allex), Coussaud (quartier d’Alixan), Saint Clément (quartier de Mercurol). L’ensemble allait être intégré à la congrégation de Saint Ruf au XIV° siècle. Il s’agit de chanoines réguliers c’est-à-dire de clercs vivant en commun dans un monastère sous l’autorité d’un prévôt ou d’un abbé pour célébrer la liturgie et pratiquer l’apostolat. La vie des chanoines réguliers est organisée selon les principes généraux de la règle de saint Augustin.

Le 5 juillet 1209, Humbert, évêque de Die et Humbert évêque de Valence, assistés de Pierre, abbé de Léoncel et d’Argoud, abbé de Valcroissant mettent fin à un différend entre Gontard, prieur de Saint Félix et ses chanoines (REGESTE DAUPHINOIS 6073).

En 1224, à Valence, dans la maison de l’abbaye de Léoncel, Jordane, veuve de Pierre de Revest et ses fils Pierre et Ponce concèdent à l’abbaye la terre des Chirons, (Blache Ronde ou Belregardet), un quartier de Châteauneuf et 12 deniers de cens qu’elle percevait à l’essart de Choron. En compensation les moines lui donnent dix livres viennoises et, à titre personnel, 6 sétiers de « blé » (froment et seigle), un muid de vin pur (à Romans environ 300 litres), 6 fromages, un porc de trois sols et 5 toisons de brebis. Les biens concédés à l’abbaye par Jordane del Revest, dépendaient du domaine de l’abbaye de Saint Félix, et le prêtre Raymond, vicaire de l’abbé Jean, confirme cette cession moyennant le versement par les cisterciens de 40 sols de plaid. Il ratifie également la cession à Léoncel de la terre des Oasrici faite par Raymond et Pierre Oasrici et reçoit le plaid (CART. XCII et XCIV- RD 6732 et 6777).

leoncel-abbaye-79.1 Le 1° juillet 1229, à Montéléger, Falcon de Chanabatz, mandataire de Jean, abbé de Saint Félix, élève des griefs contre la maison de Léoncel au sujet des terres des Chirons (Blache Ronde ou Belregardet) données par Jordane et Pierre Revest et de cinq pièces de terre et d’un champ à Revest. Finalement, moyennant un plaid de 4 livres 15 sols. il se désiste de ses prétentions sauf de celles qui concernent le versement de cens dus à l’abbé de saint Félix. Comme dans les deux cas précédents, l’abbaye devient albergataire de Saint Félix. (CV – 6998).

Le 7 juillet 1243, l’abbaye de Léoncel et le monastère augustin de Saint Felix de Valence, s’accordent sur le choix comme arbitre de Bernard, prieur du Val Sainte Marie, pour régler un différend au sujet des dîmes de l’église de Saint Martin d’Almenc. Nous savons que le 2 septembre 1223, à Romans, Arbert de Chabeuil, sacristain de Saint Barnard avait concédé en emphytéose (albergement) à l’abbé Pierre et au monastère de Léoncel deux manses situés à Saint Martin d’Almenc, entre le chemin qui conduit à Meymans et les deux ruisseaux de Fleurs et d’Ozon et une pièce de terre au Mandement de Pizançon contre une investiture (introges) de 40 livres viennoises et sous le cens de 1O sétiers de seigle à la mesure de Romans et 7 de froment outre les trois sétiers de froment dus à Arbert pour une terre au dessus de l’église de Puyssac et pour quelques autres. L’abbé avait conforté sa promesse d’acquitter le cens par l’hypothèque de tous les biens du monastère, ce qui paraît n’être qu’une clause de style un peu exagérée même si l’affaire était d’importance, s’agissant du nouveau domaine cistercien de Saint Martin ! En tout cas, subsistait à l’évidence un problème de dîmes, sans doute levées auparavant par le monastère de Saint Felix.
En 1243, le prieur chartreux attribua la paroisse aux frères de Léoncel, sous la condition qu’ils versent annuellement à l’église de Romans 5 sols et un quartaut de miel, comme de coutume, et qu’ils tiennent à la disposition de la maison de Saint Félix : 5 sétiers de froment et autant de seigle à la mesure de Romans, à prendre à la Part-Dieu, à la Saint Julien. Saint Barnard de Romans conserve la « directe » de Saint-Martin et un compromis met fin à la querelle des deux monastères. Cet arbitrage a été imposé et homologué à Montélier, au nord du cimetière. On note la présence du côté des cisterciens, de l’abbé Arnaud, du sous prieur, et de convers de Léoncel dont le Maître du Conier, et du côté des augustins, Maître Guillaume, prieur de Saint Félix et quelques autres. L’évêque élu mais non consacré de Valence, Philippe de Savoie appose son sceau. Contrairement à la règle primitive de Cîteaux, nos cisterciens vont donc désormais administrer une paroisse. En 1293, Jean, évêque de Valence et de Die prenant conscience de l’insuffisance des revenus de l’église de Saint-Martin, unit cette église à celle de Saint Mamans en exigeant que le chapelain de Saint Mamans vienne à Saint Martin pour célébrer la messe une fois au moins par semaine , qu’il y perçoive les offrandes des fidèles, les droits de sépulture ainsi que deux sétiers de blé que l’abbé et le couvent de Léoncel s’engagent à lui livrer à la nativité de la Sainte Vierge ; le monastère percevra les autres dîmes. Les paroissiens recevront les sacrements ecclésiastiques dans l’église de Saint Mamans. En cas d’infirmité, le curé leur portera le viatique et entendra leur confession suivant la coutume générale. (CXXXII – 7999 puis CCLXIX – 14213).

Le 22 novembre 1244 a lieu une transaction entre l’abbé de Léoncel et le prieur de Saint-Felix au sujet des tasques Les tasques sont des redevances consistant en une part de fruits, souvent 1/11ème, que le tenancier doit au propriétaire sur des récoltes obtenues par la mise en valeur de terres vierges. Nous avons ailleurs rencontré ce terme à propos des essarts, champs temporaires défrichés et cultivés en forêt, notamment alentour de la grange de Valfanjouse. (CXXXV-8103).

Le 10 mars 1245 à Valence est élaboré un compromis entre Ponce, abbé de Léoncel, et Guillaume, prieur de Saint-Felix de Valence par l’intermédiaire de frère Etienne du Chaffal, moine de Léoncel et Pierre de Breichen, procureur et chanoine de Saint Felix, sur leur différend au sujet de possessions au Revest (sur le territoire de Châteauneuf sur Isère) et au Conier. En cas de désaccord, ils prennent comme arbitre Bernard, prieur du Val Sainte Marie de Bouvante. Ponce et Guillaume promettent d’accepter sa décision sous peine de 25 livres viennoises. Fait à Valence, à la maison de Saint Felix, en présence de divers témoins des deux maisons (CXLIII -8225).

A Valence le 12 janvier 1247 : transaction entre Ponce, abbé de Léoncel, et Maître Guillaume, prieur de Saint Felix de Valence, par l’arbitrage d’Etienne du Chaffal, moine de Léoncel, de Pierre de Bressieux, chanoine et procureur de Saint Felix, d’Arbert de Foillas, sacristain de Die et de l’archiprêtre Lantelme, chapelain et chanoine de Valence. L’abbé sera tenu de payer annuellement au prieur, pour le territoire du Revest, 40 sétiers de blé à la mesure ancienne (et non à la nouvelle mesure de Valence), plus le douzième et non le onzième des fruits, ainsi que le 1/12 des crapae ( Quid ? le mot signifie « issu du blé ») s’il y en a 6 sétiers. Les prétentions de l’abbé sur la terre de Clément Berthier ne sont pas admises. Fait en cour de Valence devant divers témoins dont l’official de Valence. L’élu de Valence, Philippe de Savoie appose son sceau. (CXLVII – 8293).

Le 31 mai 1247, après l’accord entre Ponce, abbé de Léoncel, et Maître Guillaume, prieur de Saint Felix, ménagé par Lantelme, archiprêtre et chanoine de Valence et Arbert de Foillas, sacristain de Die, assistés de Pierre de Bressieux, procureur de Saint-Felix et d’Etienne du Chaffal, moine de Léoncel au sujet des prémices, dîmes, oblations, cens, tasques et terres du territoire du Revest, la maison de Saint Felix crut nécessaire d’authentifier les dires des témoins, au nombre de 14, et de fixer les limites des propriétés. Fait en présence de Guillaume, official de la Cour de Valence (CXLIX – 8337).

leoncel-abbaye-79.2En 1253, on note une transaction entre Guillaume Fontanilis abbé de Léoncel et le prieur de Coussaud au sujet des dîmes et redevances en nature dues par les cisterciens pour l’utilisation de terres dans le secteur des Voupes. Petit, mais joli texte qui évoque des céréales diverses, des légumes d’hiver et d’autres, du chanvre, de la vigne et un tonneau de vin pur. Et aussi un jardin de 140 pas de long et de 70 mètres de large, exempté et peut être destiné aux plantes médicinales ( ?).(CLXXIV – 8930).

En avril 1255, dans le cloître de Saint-Felix, à Valence, Hugues Rainaudi de Châteaudouble s’entremet entre Pierre Duranti, chevalier de Chabeuil et Guillaume, abbé de Léoncel. Duranti demandait le paiement de 100 sols viennois à la suite d’un accord avec un moine de l’abbaye. Mais il avait déjà été payé. Par contre pour un cens de 12 deniers sur la terre de Vayre à Chatuzange, non payé pendant 12 ans, l’abbé, pour avoir la paix, solde à Pierre 47 sols et en donne 15 à son épouse Bolloth. Maître Guillaume prieur de Saint Felix, figure parmi les témoins. Curieuse gestion tout de même de la part des cisterciens. (CLXXIX- 9107).

Le 10 juillet 1257, un nouveau compromis est établi entre l’abbé de Léoncel et le prieur de Saint Felix au sujet de Blache Ronde au quartier des Chirons, grâce à Arbert de Foillas, sacristain de Die et à Lantelme, archiprêtre, sacristain et chanoine de Valence. Ceux-ci se donnent mutuellement le pouvoir d’exiger une compensation de la partie contrevenante (CLXXVII – 9402) (Archives Saint Felix).

A Châteauneuf, le 20 juillet 1261, nouvelle transaction entre André, abbé de Léoncel et Guillaume, prieur de Saint Felix par l’entremise de Pierre de Bressieux, sacristain de Saint Felix, de Pierre de Châteauneuf, cellerier de Léoncel et de H. Arnaudi de Châteaudouble. La maison de Saint-Felix possèdera de plein droit les terres du Revest qu’un arbitrage antérieur lui avait attribuées : la terre du chemin royal, celle des Bruyères, la blache de Jarenton, la terre du Grésil, celles des Marzeas, de la blache de Gumandet ou des Jauberts sur le chemin de Parlanges, la terre de Clément Barbierii, le bois de Guillaume del Roure (archives de Saint Felix).

Le 5 novembre 1275, Elie de Salles, official de Valence, met fin à un différend entre le prieur de Saint Martin de Coussaud et frère Martin procureur de la maison de Léoncel, en déclarant que l’abbé tiendra du prieur le bois de la « Blache grosse » près de la grange de la Voupe au Mandement d’Alixan, sous le cens d’une livre de cire servie à la Saint Martin. De plus, comme le bois était tombé en commise (confiscation d’un fief ou d’une censive) pour avoir été acheté par Léoncel à feu Chabert d’Alixan, sans autorisation des prieurs de Saint Felix et de Coussaud, et qu’on avait omis de payer le cens pendant cinq ans, le procureur (frère Martin, moine de Léoncel) paiera 10 livres viennoises. Une fois encore, curieuse gestion de nos cisterciens. (CCXXXVII-11479)).

Le ler jUILLET 2015, Michel WULLSCHLEGER.