LES DERNIERES ANNEES DU XIIème SIECLE (1188-1200)

 
Ces années sont particulièrement riches d’évènements importants. Les plus marquants ont été évoqués dans notre chronique historique. Au total, pour la période retenue, le cartulaire composé par Ulysse Chevalier nous propose une trentaine de chartes.

Il s’agit d’abord de la poursuite des travaux de construction du monastère. En 1188, le 11 mai,, Robert, archevêque de Vienne et son homonyme évêque de Die dédicacent et consacrent l’église abbatiale cistercienne de Léoncel. Celle-ci n’est sans doute pas achevée, mais la cérémonie permet de penser qu’au moins le chœur du sanctuaire est en place.

Il s’agit ensuite de la transaction, à qualifier d’essentielle, élaborée en 1190 et 1192, entre l’abbaye de Léoncel et la chartreuse vu Val Sainte Marie de Bouvante. Elle fait suite à la donation par les bénédictins de Saint-Bénigne de Dijon, de la paroisse de Bouvante qui peut faire craindre aux cisterciens d’être devancés , notamment sur le plateau d’Ambel. Ulysse Chevalier a réuni en un seul texte les comptes rendus des négociations de 1190 et de 1192. On mesurera la volonté d’apaisement des cisterciens et des chartreux du Royans en découvrant leur coopération en ce qui concerne les mouvements des troupeaux de la chartreuse lors de la descente hivernale en plaine,et le pâturage sur la montagne de Musan.

Suit enfin un autre évènement majeur dans l’histoire de l’abbaye, évoqué dans huit chartes (une de 1188 et les autres entre 1194 –surtout—et 1196 : intervention du comte de Valentinois.). C’est la fusion de la communauté religieuse de la Part-Dieu avec l’abbaye de Léoncel. Le Cahier de Léoncel n° 23 publié en 2013, évoque cette fusion ainsi que son impact sur la noblesse locale, sur la hiérarchie catholique et sur l’histoire du monastère.

Une bulle du pape Clément III confirme le rescrit de son prédécesseur Lucius III (1183) et rappelle que tant que le conflit entre les évêques de Die et de Valence au sujet du site de Léoncel, ne sera pas réglé, les religieux sont autorisés à recevoir de l’archevêque de Vienne ou de tout autre évêque catholique les ordres sacrés et les autres sacrements ecclésiastiques. Une charte de Hugues, de Châteauneuf, abbé de Bonnevaux annonce que son frère Guenesius et sa famille ont confirmé à perpétuité aux frères de Notre Dame de Léoncel les donations faites par leur père Raymond en 1163.

Plusieurs textes évoquent l’extension ou la confirmation des implantations monastiques dans le bas-pays valentinois et romanais, parfois plus loin. C‘est le cas, en 1188, à Saint-Donat dans l’actuelle Drôme des collines, à la suite d’un don d’Hugues, duc de Bourgogne et premier dauphin de la 2° génération, dite de Bourgogne, par son mariage avec Béatrice, héritière de Guigues V. Nos moines sont de plus exemptés de péage dans tout le comté d’Albon. Et aussi à Montmeyran, en 1191, où Jarenton et son épouse Timiame confirment leur donation de 1178, celle de la condamine nommée « Malaric ». Les donateurs en conservent la jouissance viagère, moyennant un sétier de méteil et Jarenton apprend qu’il sera reçu, vivant ou mort, à l’abbaye comme un frère. Il est rappelé qu’aux soins de Jarenton et de Timiame, une lampe brûlera devant l’autel de la Vierge, dans l’église abbatiale.

En 1191, Odon de Quint, partant à Saint Jacques de Compostelle ouvre aux moines de Léoncel des pâturages sur Font d’Urle et Ambel. Si l’intervention des moines allait se confirmer sur Ambel, nous n’avons pas d’écho de pâture sur Font d’Urle. Il est vrai que nous sommes en pleine crise entre le Val Sainte-Marie et Léoncel et que cette ouverture peut aider les cisterciens.

leoncel-abbaye-56.1  En 1192, Blemos, épouse du seigneur de Rochefort cherche à compenser les offenses faites aux moines à Valfanjouse ou ailleurs par son bouillant fils, Arnaud Tempeste : elle installe les moines près de la source des Fontanils en moyenne vallée de la Gervanne , (contre tout de même trois sétiers de cens !). Le fils ajoute à ce lot tout ce qu’il possède du Pêcher (quartier situé au nord des gorges d’Omblèze et plus précisément de la cascade de la Grande Pissoire) jusqu’au col de Tourniol.
Plusieurs textes évoquent des extensions autour du Conier et de la Voupe. On note ainsi en 1192, un apaisement, à la suite d’une médiation, dans le conflit à rebondissement qui oppose le prieur de Coussaud, voisin d’Alixan, et les moines qui refusent de lui payer la dîme. La même année, l’évêque Falcon, trop heureux de voir se fortifier la présence des cisterciens dans son diocèse renonce aux corvées qu’il exigeait des moines à la Blache, près de Montélier et, l’année suivante il leur donne le droit de pâturage sur toutes ses terres, ainsi que le droit de passage sans exaction par les ports de Châteauneuf et de Confolens. En 1192, encore,, Adémar de Poitiers confirme tout ce qu’il a donné ou donnera en aumône et prend sous sa protection tous leurs biens meubles et immeubles, leurs serviteurs et leurs visiteurs par utilité ou dévotion. A la Voupe se manifeste la générosité du nommé Latard Mercers (1193 ou 1194. En 1193 Guenesius, déjà cité, donne aux moines le droit de pâturage dans presque tout le Mandement de Châteauneuf.
En 1195, Adémar Bovetz fait un don important : une maison à Fiançayes avec jardin et terre, à laquelle il ajoute sur le site de Marches un ensemble de 24 sétérées de terres et de quatre sétérées d’une autre nature.
En 1196, sur la rive droite de l’Isère, le seigneur de Tournon donne à nos moines le libre passage dans ses domaines et les exempte de tout droit de passage, de leyde (taxes sur les achats et ventes) et de pontonnage « par terre et eau ». (1196).
En1199, à titre d’aumône, Lambert d Flandènes et son fils Pierre renoncent solennellement aux 5 sétiers de seigle et autant d’avoine qu’ils exigeaient depuis la grande donation de 1173. L’abbé et le couvent les rendent participants de toutes les bonnes œuvres de l’ordre et de la messe quotidienne pour les défunts. A leur mort, on fera comme pour un moine. N’ayant plus de cens à payer, l’abbaye pourra par la suite faire reconnaître en justice son appropriation d’un large espace entre le col de Biou et le plateau de la Saulce.

La période retenue a vu également l’abbaye s’affirmer en montagne. Nous retenons ici trois chartes qui évoquent les progrès accomplis à proximité relative du monastère, en altitude et à Peyrus..

1191 : CHARTE DE RAYNAUD DE BRION AU SUJET DE LA MONTAGNE

L’an 1191 de l’incarnation du Seigneur, Raynaud de Brion donna à Dieu, à la bienheureuse Marie et aux frères de Léoncel, tant présents que futurs, les quatre sétiers d’avoine, les 2 sétiers de blé de qualité supérieure et les deux de blé ordinaire que les susdits frères lui devaient au titre du cens et il donna, sans aucune réserve, tous ses droits dans la montagne depuis le village qu’on nomme Chaffal jusqu’au sommet de Tourniol, pour le salut de son âme et de celles de tous ses prédécesseurs et successeurs, sans aucune réserve ; ni prélèvement. Tout cela il le fit d’abord devant le chapitre général de Léoncel, le dimanche des Rameaux, la main sur l’Evangile. Furent témoins de ce don, l’abbé Pïerre, le prieur Apollinaire, Pierre de Roussillon, Raynaud, Guillaume , sacristain, Jean Gigas, Pierre Mascia, Etienne de Vinay, Guillaume de Baix, Bernard de Romans, Guillaume de Marzac, Jordan, Pierre de Faramans, moines et aussi Adhémar Bœuf, Jean Algos, Lantelme, Albert, silvestre, tous frères convers et tout le couvent.
Ensuite le même Raynaud confirma tout ce qui a été dite plus haut, comme il l’avait annoncé auparavant dans la ville de Die et dans la maison d’Humbert de Burna, entre les mains de Jarenton, évêque de Die, le jour où cet évêque célébrait sa première messe. Et de même, afin que ces donations soient ratifiées et confortées, il les confirma par un serment solennel sur les saints Evangiles, promettant et assurant qu’il les défendrait, protègerait et garantirait, qu’il s’opposerait dans la mesure de ses forces à tout chercheur de chicane et pour encore plus de sûreté, il désigna Jarente, évêque de Die, et son propre frère Guigon de Baix comme garants concernant la paix à propos des dons mentionnés. Enfin Raynaud demanda à Jarente, évêque de Die, de les fortifier par l’apposition de son sceau et de confirmer par son autorité toutes ces choses si authentiquement établies et rédigées par écrit.
Enfin, au château de Baix et dans le chauffoir de Guigon de Baix, frère de Raynaud, et entre les mains de l’abbé Pierre, Joeita, épouse du susdit Raynaud, donna et concéda tout ce qui a été dit à Dieu, à la bienheureuse Marie et aux frères de Léoncel tant présents que futurs, sans aucune réserve ou prélèvement, pour le salut de son âme et de celle de son fils. L’abbé Pierre lui remit 20 sous de monnaie viennoise. Furent émoins de ce don de Joieta : Guigon de Baix, son épouse Aalis, son fils Cotberg et Raynaud lui-même, Pierre de Garnier, Ugo Genez, Poncieus Trabo, Pierre abbé de Léoncel, Pierre de Faramans et Guillaume de Baix, moines.

N.B. : La famille dite de Brion (ou de Baix,) dominait le Mandement de Baix (ou Baix aux montagnes), aujourd’hui Plan-de-Baix. La situation seigneuriale s’est compliquée avec la construction du château de la Bâtie (XIV° siècle)et la création d’une deuxième seigneurie du même nom.

Leoncel Abbaye

leoncel-abbaye-56.21194 CHARTE DE PIERRE DE GAUTIER A PROPOS DE LA MONTAGNE

Parce que tout bien brille, de façon plus précieuse et avec plus d’élégance lorsqu’il est consacré à un usage général, à tous tant présents que futurs nous voulons faire savoir par la présente que Pierre de Gautier a acquis loyalement tous les droits, tasches et usages qu’Humbert de Stella et Raymond son frère possédaient sur la montagne de Combe Chaude. A Châteaudouble, de cette acquisition régulière er loyale et qui s’étend jusqu’au territoire des frères susdits, il fit don à perpétuité, à Dieu, à la bienheureuse Marie et à Pierre, abbé de Léoncel et à ses frères du même lieu, pour le salut de son âme et de celles de tous les siens tant vivants que défunts,. Ce don de 1194, Denuel et Chaberte sa fille l’acceptèrent et l’approuvèrent pareillement pour le salut de leurs âmes et de celle de tous les leurs. De ces faits furent témoins, Pierre, abbé de Léoncel, Pierre Macza, Pierre de Faramans, moines, Ponce Umbert, convers, Raimondus Baro, Pierre de Rotger, Chazapra, Pierre de Balma. Moi, Falcon, évêque de Valence, j’ai confirmé, par la volonté des seigneurs précités, par la garantie de mon sceau. Moi, Jacob, notaire de l’évêque, j ‘ai écrit cette charte sur son ordre, la 8ème année de sa charge, Célestin étant pape et Henri sérénissime empereur romain.

1198 : CHARTE D’AELMONDE DE CHATEAUDOUBLE AU SUJET DE PEYRUS.

Bien que nous ayons, selon l’apôtre, des devoirs envers tous les fidèles du Christ, nous nous considérons comme tenue d’accorder des bienfaits d’abord à ceux qui, renonçant à la vie du monde, se sont consacrés au service du Seigneur dans l’état de religion. sont consacrés au service du seigneur dans l’état de religion.
C’est pourquoi nous voulons qu’il soit connu de tous les enfants de la Sainte Eglise de Dieu, que moi Aelmonde, dame de Châteaudouble, ayant déjà accordé plusieurs faveurs par esprit de pitié, j’ai la volonté d’aller plus loin encore.
Et, de fait, je donne la maison de Peyrus qu’il y a quelque temps les frères de Léoncel ont construite, et tout ce qu’ils ont pu acquérir par don ou par achat, à Dieu, à la bienheureuse Marie, à l’ordre des cisterciens et, à l’évidence, aux dits frères de Léoncel, donc à tous ceux qui sont actuellement au service de Dieu dans ce lieu et à ceux qui le seront dans l’avenir, tant pour mon salut que pour celui de mes prédécesseurs et de mes descendants, et spécialement pour le salut de mon homme Chabert et de Malberioni, ma fille. Je leur en reconnais la possession à perpétuité : un cens annuel étant cependant maintenu.
Aussi, moi Aelmonde, je prescris cette donation à mes fils et filles et aux autres descendants issus de ma chair et leur enjoins de la respecter et maintenir avec fermeté. Cette donation solennelle a été faite en présence de Dom André, abbé de Léoncel, dans la maison de Pierre Roger, près de Crest. Je veux qu’il soit tenu pour certain que pour ce bienfait susdit j’ai reçu, moi Aelmonde, cent sous et une de 60 sous et afin que cette donation soit tenue pour durable et irréversible j’ai marqué cette charte au sceau de mon fils Arnaud de Crest et j’ai prié Falcon, évêque de Valence et Jarenton, évêque de Die, d’apposer les leurs. Témoins de cet acte rédigé à Crest : Guillaume de Baix, moine, Guillaume Greillo, lerc, Arnaud Willelmi, Pierre de Rotgier, Bernard Gontard, Papanus de Crest, Durand d’Aouste, Ugo de Vaunaveys. Peu de temps après, la Dame précitée, à Châteaucouble, devant l’église Saint-Michel confirma toutce qui est consigné ci –desss. Témoins : Pierre de Faramans alors cellérier de l’abbaye, Eaymond, frère convers, Berlio Frances, Pierre de Divajeu, Guillaume Blanc, Boustos, prêtre, W.Chaszapuria, Adémar le messager (ou le porteur ?) Raymond, orfèvre,Po Humbert, chanoine, Guillaume Lupus, Guigue cellerier, Jarenton Chabauz, Ponce Beranger.
Fait l’an 1198 après l’incarnation de notre Seigneur, Innocent siégeant à Rome au pontificat suprême, soussigné, moi, Jacob, notaire de Monseigeur l’évêque dans la 9e année de son pontificat, j’ai écrit cette charte à sa demande.

1er Août 2013, Michel Wullschleger