Jusqu’en 1854, la situation administrative se révèle plutôt complexe. En effet une vaste enclave de la commune de Saint-Jean-en Royans incorpore, l’ancien albergement de Valfanjouse, que son tenancier a su retirer du système féodal dans les années 1720 et celui de la Charge qui a conservé ce statut, le plateau de la Saulce avec la forêt du même nom et le quartier de Comblézine, ainsi que les fermes de Gampaloup, du Serre du Lion, de Montmarais, du Grand Echaillon et du Petit Echaillon. Le territoire d’Oriol, outre de nombreux albergements accueille la ferme du moulin de Léoncel et des terres travaillées par les fermiers de la grange de Léoncel. L’ancienne grange de Combe Chaude, elle aussi albergée, dépend de Châteaudouble. La commune de « la Vacherie », parfois dite « la Vacherie et Léoncel », réunie en l’an VI à celle de Peyrus, l’est ensuite, durablement à celle du Chaffal (An VII). En 1832, l’enclave de Saint-Jean est rattachée à la commune d’Oriol, mais celle-ci doit la céder à la commune de Léoncel créée en 1854.
Alors que les albergataires bénéficiaient du transfert de propriété imposé par le décret de la Convention du 17 juillet 1793, la vente des Biens nationaux affermés ne commença en montagne qu’en 1808. Le moulin de Léoncel, alors dans la commune d’Oriol, associait 12 hectares de terres, prés et pâturages au bâtiment abritant un moulin à farine et une scierie animés par le ruisseau de Léoncel. On en localise encore, outre les ruines du bâtiment, le béal, le bassin de réserve et la chute. Estimé à 15.400 francs, il fut mis à prix à seulement 12.600 francs sur intervention du ministère des finances. Pour la somme de 12.700 francs, Jean-Baptiste Francon l’emporta aisément le 28 avril 1808, pour lui-même et pour joseph Bélier, propriétaire et négociant à Peyrus, déjà acquéreur du Conier.
Le domaine de Gampaloup (ou Gampaloux ?), proche de la Charge et du quartier de Comblézine se trouvait dans l’enclave de Saint-Jean. Il couvrait 42 hectares, à la suite du dernier achat de l’abbaye en 1735 (la superbe borne n° 12 a été retrouvée par Roger Santoni, ancien agent de l’ONF, et ensemble nous avons trouvé les bornes n° 1 et 2). Le 11 septembre1810, l’unique candidat, Alphonse Grand-Fontepaisse, propriétaire à Saint-Jean put l’acquérir pour la somme de 17.050 francs « pour lui même et pour Jean Vassieux, propriétaire à Saint-Nazaire en Royans. ». Gampaloup avait été estimé à 16.950 francs.
Pour le deux domaines suivants, on se reportera à la description qu’en faisait le géomètre Larget (texte n° 46) dans son rapport d’évaluation en 1791. On note que les terres dites « du côté d’Oriol » ne sont pas mises en vente (rendues à la forêt domaniale de l’Epenet ?). En effet,le domaine de la « Grange » (on dit parfois « Grandgrange ») situé jusqu’en 1854 dans « la commune du Chaffal et de la Vacherie », tout près de l’abbaye et aujourd’hui siège du « GAEC Bouchet », fut mis en vente pour une contenance de 34 hectares et 48 ares seulement. Il appartenait à la Caisse d’amortissement. Il consistait en maison fermière, écurie, grenier, jardins, terres labourables, bois, broussailles et pâturages. La mise à prix s’élevait à 43.100 francs. Le 20 septembre 1810, Jean Coche, propriétaire habitant Montélier, seul enchérisseur, l’emporta pour la somme de 43.200 francs, après seulement trois feux. Joseph Nicolas de Peyrus lui avait donné la caution désormais obligatoire.
Le domaine appelé « Les réserves de Léoncel », toujours conservé en faire valoir direct par le monastère, « consistant en bâtiment, écurie, granges, grenier à foin, parcours, jardin, terres et prés, de la contenance d’environ 7 hectares 37 ares, prélèvement fait de l’église, de l’ancien chœur, du cimetière, du logement et jardin du prêtre desservant et d’un petit logement pour le garde forestier…provenant de la ci-devant abbaye de Léoncel et appartenant à la Caisse d’amortissement » fut estimé 10.000 francs, mais sur intervention du ministère des finance mis à prix à 8.000 francs seulement. Le même 26 septembre, les enchères opposèrent quatre enchérisseurs, mais c’est Jean Coche, déjà acquéreur de la Grange, qui l’emporta au cinquième feu pour 9.700 francs. Il bénéficiait toujurs de la caution de Joseph Nicolas de Peyrus.
Le domaine du Petit Echaillon, dont les ruines se cachent dans la forêt au carrefour des routes de Valfanjouse-La Charge et du col de la Bataille , se composait de « la maison d’habitation en très mauvais état, prairies sans arrosage, bois, broussailles, bosquets, buissières, tertres et terres arides », contenant en tout 24 hectares. Seul enchérisseur, Michel Louis Rigaud, propriétaire à Eurre, bénéficiaire de la caution d’Esprit-Nicolas Labretonnière propriétaire à Montclar et acquéreur d’une partie d’Ambel en 1796, l’emporta facilement pour 5.734, 40 francs. Il déclara « faire acte de command en faveur d’Alexis Grimaud, propriétaire dans la commune de la Vacherie et fermier du domaine de la grange de Léoncel » (command : celui pour lequel on fait une acquisition sans que son nom soit porté dans l’acte).
Dans le descriptif du Serre du Lion on peut lire « …le petit domaine appelé Sert du Lyon (sic) consistait en une chaumière couverte en planches, de prairies sans arrosage, de terres labourable, pâquerage et bois, broussailles d’un contenu d’environ 15 hectares ». Le mot « planches » désigne sans doute des essendoles. Le domaine fut estimé à 2.170 francs. Aux premières enchères, le 11 septembre 1810, Jean Charles Bouillane, propriétaire à Saint-Jean, habitant au domaine de Gampaloup, en proposa 2.770. Le 26 septembre, plusieurs enchérisseurs, Joseph Nicolas de Peyrus, Grand et Michel Actory de Saint-Jean, Jean Allard de Bouvante s’opposèrent. Après un cinquième feu, Allard l’emporta pour 4.250 francs. Il présenta la caution de Jean Faure de Bouvante, lequel déclara que la moitié du domaine appartenait à Michel Jourdan, également de Bouvante.
Le Grand Echaillon, situé alors dans la commune de Saint-Jean consistait en « maison d’habitation, écurie et grenier à foin, terres labourables, prairies sans arrosage, tertres incultes, pâturages, bois et broussailles », le tout couvrant environ 39 hectares. Il fut présenté lors d’une première séance d’enchères, le 11 septembre 1810, au prix de 10.000 francs, mais en vain. Lors de la seconde séance, le 26 septembre, après trois feux, le seul enchérisseur Michel Louis Rigaud fut déclaré acquéreur pour la somme de 10.100 francs. Esprit-Nicolas Labretonnière avait donné sa caution. Rigaud déclara qu’il agissait pour le compte d’Alexis Grimaud, propriétaire habitant La Vacherie et fermier du domaine de la grange de Léoncel.
La Chaumate avait accueilli la principale implantation des moines sur le plateau d’Ambel « Le domaine de la Chaumatte (sic) situé sur la commune d’Omblèze…appartenant à la Caisse d’amortissement et provenant de la ci-devant abbaye de Léoncel, composé d’une maison d’habitation, deux écuries en mauvais état… rassemblait environ 78 hectares d’un seul tenant dont une trentaine en prairies, quatre et demi en pâturages, une quarantaine en pâturages parsemés de bois et quatre et demi en bois et taillis ». Cet ensemble se trouvait sur l’ancien territoire du mandement de Saint-Nazaire. S’y ajoutaient, sur le mandement d’Eygluy, des prairies non closes, « appelées Thibaneaux » (Tubanet) et le pâturage dit « de la plaine d’Ambel », le tout séparé de la Chaumate et couvrant 264 hectares. Mis en vente le 12 juillet 1813, l’ensemble fut acquis par Ernest-Nicolas Labretonnière pour 30.100 francs. Il possédait déjà depuis 1796 l’ancien domaine des seigneurs laïcs d’Eygluy, dont les bâtiments se trouvaient également près de la source de la Chaumate, mais sur le territoire du Mandement d’Eygluy.
Petit domaine, Montmarais , également dans l’enclave de Saint-Jean se composait d’une maison d’habitation avec écurie et grenier à foin, « couverts en planches », et de prairies, terres labourables et bois, d’une contenance totale de 15 hectares 27 ares,. Il appartenait à la Caisse d’amortissement. Proposé à 4.800 francs, il fut adjugé le 19 août 1813 au prix de 4.825 francs, à Hippolyte Boutand, propriétaire, résidant à Tournon.
Avec celles des domaines de la plaine, ces ventes soulignent à la fois l’étendue et la diversité du domaine temporel de l’abbaye surtout si l’on y ajoute les forêts conservées par l’Etat et les espaces relevant autrefois du droit féodal et transférés à ceux qui tenaient ces terres par le décret de la Convention de juillet 1793.
1er décembre 2012 Michel Wullschleger