LA FIN DE LA PROCEDURE D’INVENTAIRE ET D’ESTIMATION A LEONCEL (1790-1791)

Le canton de Chabeuil dont faisait partie La Vacherie appartenant au district de Valence, les représentants de ce district prirent le relais de ceux de la municipalité les 10 et 11 octobre 1790. Les citoyens Royanez, membre du directoire et administrateur du district de Valence, et Lambert se présentèrent à Léoncel le 9 octobre vers 18 heures. Ils avaient pour mission de vérifier l’INVENTAIRE, de dresser procès-verbal, de prendre les mesures nécessaires quant aux biens meubles (mobilier, effets, titres et papiers) dont ils devaient se charger. Ils avaient convoqué pour le 10 octobre à 8 heures le maire de la Vacherie, Jacques Vignon, les frères Eynard, officiers municipaux et J.P. Moulin, procureur de la commune.
Dans la matinée du 10 fut confirmé l’inventaire municipal (qui malheureusement avait ignoré la bibliothèque). Les représentants du district laissèrent à Dom Bernard, désormais curé de Léoncel, les ornements et vêtements du culte, les moyens de cuisiner, le mobilier de la salle à manger et quelques couverts, le mobilier de sa chambre (d’ailleurs en partie à lui), le linge de maison, une vieille jument, une horloge et de quoi loger un visiteur.
Au cours de l’après-midi, furent remis à chacun des deux autres moines les meubles lui appartenant. On vérifia ensuite les titres, papiers et documents. Un petit incident se produisit à propos du désordre des archives. Dom Jacotot se défendit en évoquant la menace d’incendie pesant sur le monastère et la précipitation avec laquelle il avait fait évacuer ces archives au Conier. « désordre, oui, mais pas de perte » affirma-t-il. Il précisa que certains papiers se trouvaient chez des hommes de loi dans le cadre des procès en cours. Cinq sacs d’archives « en l’état », donc en désordre, furent confiés à la municipalité qui devait les transférer aux archives du district. L’après–midi s’acheva sur l’examen des comptes des recettes et des dépenses et avec l’apurement des avances faites par les moines. Le registre fut arrêté, signé et mis dans on sac pour le transport.
Le 11, le prieur remit « des quittances, conventions privées et extraits en forme de baux à ferme ». Il décrivit l’état matériel de la maison à son arrivée et les nombreuses réparations essentielles à entreprendre. Il souligna les avances financières qu’il avait dû faire. Devant les représentants du district, les trois moines hypothéquèrent symboliquement la généralité des biens de l’abbaye (et de l’ordre) pour la sûreté du paiement de leur pension.
On décida que pour éviter le dépérissement des denrées confiées à la municipalité, il serait procédé devant les mêmes commissaires, à la vente des dits effets et denrées, après publication et affichage huit jours à l’avance, à la diligence de la municipalité, tant à La Vacherie qu’aux lieux « circumvoisins ». Le produit de la vente devait être remis au receveur de district, frais de voyage des commissaires et frais de vente prélevés.
Cette vente eut lieu le 25 octobre 1790, à partir de 9 heures du matin, dans l’une des salles de l’abbaye, sous la présidence de Royanez et de Gachon qui remplaçait Lambert. La municipalité avait fait apporter les objets à vendre, les officiers municipaux et le curé Bernard assistaient. La vente se déroula sous la proclamation de Gachon. Il y avait quarante-deux articles et il fallut la journée du 25 et la matinée du 26. Les acheteurs venaient pour la plupart de la commune et de la paroisse. Mais on retiendra la présence du curé du Chaffal (achat de chaises et de literie), et de celui de Châteaudouble (un tonneau, de vieux livres en style gothique reliés en parchemin, une bible, deux traités de théologie). Parmi les objets vendus, le plus souvent qualifiés de « mauvais » voire « très mauvais » ce qui soulignait leur peu de valeur, on note des tables, des chaises, des fauteuils, une armoire, un grand garde robe en bois sapin avec des serrures, plusieurs lits, matelas et paillasses, un alambic en cuivre rouge pesant 20 livres (acheté par le moine Dom Grillon), des couvertures et coussins, des tonneaux, et 24 sétiers de seigle (à dix livres et 5 sols pièce). Le montant de la vente ne dépassa pas 712 livres et 9 sols.

leoncel-abbaye-46.1 Après les inventaires, l’ EVALUATION dont était chargé Ennemond Larget, géomètre de Saint-Jean en Royans, nommé par le directoire de Valence « expert pour l’évaluation des biens nationaux » et assermenté. Le 19 mai1791, il s’installait pour une semaine à Léoncel (« huit jours y compris le voyage ». A cette date les domaines cisterciens de la plaine et de la moyenne Gervanne avaient déjà été vendus aux enchères. Le rapport de l’expert décrit de façon assez précise les bâtiments : « église, agencement, importance et rôle des corridors ». Et il ajoute « Les frais de réparations à faire aux dits bâtiments nous ont paru très considérables. Les vents sont si impétueux qu’ils emportent continuellement les tuiles des couverts malgré toutes les précautions possibles ». La superficie générale des bâtiments s’élève à près de 2600 m2. Auxquels s’ajoutent ajoutent les bâtiments de l’ouest (actuel GITE Bouchet), écurie et grenier au-dessus d’environ 90 m2 au sol, séparé du reste par une « basse cour ». Cette dernière correspond à l’espace hérité du cloître et de l’aile des convers, prématurément disparus. On peut lire encore dans le rapport : « Les logements contigus de l’église, plusieurs chambres, sont plus que suffisants pour celui du curé desservant la dite paroisse de Léoncel… l’église du lieu-dit ne paraît pas dans le cas d’être supprimée attendu que dans son état actuel elle a trois lieues de diamètre du nord au midi » (ici il s’agit de l’étendue de la paroisse) « par toutes ces considérations, nous estimons que les susdites cinq petites chambres joignant du côté de bise l’église suffiront pour servir de logement au sieur curé. Et que les salles, cuisines et chambres au dessus, bâtiment écurie et grange seront comprises dans l’estimation et évaluation » et donc mises en vente . Le curé sera donc installé au rez-de-chaussée.Le reste fera partie de la vente. On lit encore que « du côté du levant, bâtiments et église confinent un pré et le marais…».
Au total, Larget proposait donc un partage entre l’acquéreur potentiel et le curé, pour le bâtiment, comme pour le jardin. Entrait aussi dans son évaluation les terres autour de l’abbaye dites « Les Réserves de Léoncel » que les moines avaient gardées en faire-valoir direct et confiées à des valets salariés.

Leoncel Abbaye leoncel-abbaye-46.2La cure et l’église étant exclues du calcul, les bâtiments, les « Réserves de Léoncel» avec la prairie jusqu’au chemin de Bouvante qui sépare alors Oriol et Léoncel (en fait début de la route actuelle du col de la Bataille) furent estimées à 2500 livres, moins 20 livres de charges, soit 2480 livres..
A titre d’exemple, on peut signaler que le rapport Larget évaluait également le domaine de la Grandgrange (actuel GAEC Bouchet, dit localement « La grange »). Nous apprenons que ce domaine était alors géré dans le cadre d’un « sous bail » en cours de 2150 livres par an, payables en deux fois à la Sainte Madeleine (22 juillet) et à « Chalande » (Noël). Le géomètre décrit le chemin, les bâtiments (maison au nord, basse-cour centrale, écuries et grange au sud). Il recense 20 hectares et 52 ares « du côté d’Oriol » (forêt de l’Epenet non comprise), 34 hectares du côté de la Vacherie, soit au total quelque 54 hectares. En défalquant 161 livres de charges, on obtient un bail annuel de 1989 livres. Le coefficient de multiplication étant de 22, Larget proposa pour la vente une mise à prix de 43.175 livres.
Des opérations semblables avaient eu lieu dans la plaine pour les domaine d’en bas et en moyenne Gervanne, déjà vendus aux enchères. Il allait en être de même, mais pas avant 1808, pour les domaines montagnards.

1er octobre 2012 Michel Wullschleger.