LES CISTERCIENS DE LEONCEL, DANS LES MANDEMENTS DU PIEMONT DU VERCORS AU NORD DE PEYRUS

A Peyrus et au-delà vers le Nord, le type de contact entre la montagne du Vercors et la plaine de Valence s’avère très différent. On aura d’abord remarqué que si ce contact montagne-plaine se fait selon un tracé nord-sud de Châteaudouble à La Baume Cornillanne, via notamment Combovin, il s’oriente selon une direction plutôt Nord-Nord-Est—Sud-Sud-ouest, depuis Saint-Nazaire et Hostun jusqu’à Saint Vincent et Peyrus.
Au lieu d’un talus unique, parfois un peu compliqué, deux crêts d’altitude fort différente dérivent de l’ancien pli le plus occidental du Vercors, armé par le calcaire urgonien, mais défoncé par le travail érosif d’une série de torrents. Le crêt oriental atteint 1330 mètres et se maintient partout au-dessus de 1100 mètres, celui de l’ouest s’élève exceptionnellement au dessus de 750 mètres et se situe le plus souvent au-dessous de 650 mètres. Entre les deux une ou plusieurs combes juxtaposées esquissent une dépression dont le fond est encombré de collines armées par des terrains de la base du crétacé (Hauterivien et Valanginien) et même du jurassique le plus récent (Tithonique). Ici, la plupart des villages de piedmont ont choisi pour site, à l’origine, les goulets ou « portails » ouverts dans le crêt occidental par les torrents nés dans les combes où les hommes ont installé quelques écarts ou hameaux dont le plus connu est Saint-Genis.

leoncel-abbaye-70.1leoncel-abbaye-70.2Seul Rochefort Samson paraît avoir pris quelque distance avec le pied du versant qui porte les ruines de son château. Par ailleurs, ce même Rochefort paraît avoir possédé une enclave plus occidentale, à Taney ou Taney -Rochefort, alors insérée dans le Mandement d’Alixan. Dans les textes nous trouvons plusieurs orthographes dont celles de Tanney, Tannay, Tanet et quelques autres. Nous adoptons ici celle de TANEY retenue et adoptée par l’I.G.N.

Il convient de rappeler que l’hiver, les chartreux du Val Sainte Marie de Bouvante ont conduit leurs troupeaux vers la plaine, dès le XIIème siècle, comme le révèle notamment l’accord passé en 1196 avec les moines de Léoncel, concernant la traversée de la montagne de Musan à destination de pâturages au pied du Vercors et sur les bords de l’Isère à Châteauneuf, et aussi vers leurs implantations autour de leur grange de Montélier. Cette fréquentation de la plaine est bien étudiée par Jocelyn Derbier dans un article du Cahier de Léoncel n° 18, « Chartreuse de montagne et grange de plaine : l’implantation du Val Sainte Marie dans la plaine valentinoise XII-XIV° siècles », p. 85-99.

Tout au long du XIIIème siècle, nos cisterciens se sont implantés dans cet espace oriental de la plaine, de Charpey à Beauregard-Baret. D’autant plus que les distances sont modestes entre le pied de la montagne et les pôles cisterciens de la Voupe et de la Part-Dieu.

D’autres seigneurs du piedmont ont des possessions dans la plaine ; dans le cartulaire, on peut trouver des terres appartenant aux Eperviers de Saint Vincent autour de Chatuzange ou aux Hostuns sur Alixan.
Ainsi dans la donation qui suit à Alixan, le 15 mai 1253, Rienz, femme du baile Chatbert d’Alixan avec le consentement de sa mère et de son mari, et pour solder les dettes de son frère Richard, vend à Guillaume, abbé de Léoncel, au prix de 20 livres viennoises, 10 sols de cens que lui faisait le monastère pour des biens de Richard au territoire dit aujourd’hui Taney, près du ruisseau de Chaurers. (CLXXV—8945). A Romans, le 4 juillet 1257, Chabert Chanavtz d’Hostun, chevalier, vend à Pierre de Châteauneuf, cellerier de Léoncel, acquérant au nom de l’abbé André et du couvent un pré au-dessus du gué d’Eroa, six deniers de cens sur un jardin de « Taney de Rochefort » et deux pièces de terre joignant la route de Romans pour le prix de 14 livres en monnaie de Vienne ou de Valence. Approbation familiale (CLXXXIV—9349).
Le 14 mars 1261, Pierre Peloux, seigneur de Rochefort cède à la maison de Léoncel et à l’abbé André, tant comme satisfaction des hommages faits aux religieux par son père qu’à titre de pure donation, tout ce qu’il possède au territoire de Taney soit des terres cultes ou incultes, des prés et des bois sous la redevance de 2 sétiers de froment à la Saint-Michel. Il déclare ce territoire franc de toute autre servitude. Approbations familiales. Fait à Rochefort (CXCVI-9670).
Le 23 mars 1261, Pierre Peloux, Guigues Barnardii et Hugues Peloux, chanoine de Valence pour le repos des âmes de Humbert Peloux, de Jaucerand et de Guille, et aussi pour réparer les torts de cet Humbert envers l’abbaye, font don :à cette dernière du pré du Vernet au territoire de Taney (CC—9674).

Le jeudi après l’octave de Pâques, 5 mai 1261, à Taney, Guigues Barnardi et Hugues Peloux vendent à l’abbé de Léoncel 3 sols et 2 deniers de cens, une éminée de terre et tous les pâturages qu’ils possédaient dans ce territoire de Taney provenant de leur mère Guille, au prix de 6 livres et demie viennoises. Parmi les témoins, un moine de Bonnevaux, le cellier de Léoncel et le maître de la Voupe (un frère convers). Dans le cartulaire, Ulysse Chevalier a rapproché deux textes (CC—9719).

Une charte très laconique de 1278 évoque la donation de Bérard de Rochefort à l’abbaye de Léoncel des pâturages qu’il possède au Mandement de Rochefort (CCXXXIX—11839).

leoncel-abbaye-70.4leoncel-abbaye-70.3Le 22 juin 1280, transaction entre Giraud, abbé de Léoncel, et Pierre Peloux seigneur de Rochefort, par l’intermédiaire de Pierre de Quint, sacristain de Romans. Peloux renonce à ses réclamations au sujet des possessions acquises par le couvent sans son accord au territoire de Fiançayes et de Sonaise, relevant alors au XIII° siècle du Mandement de Rochefort. En échange, il recevra 100 sols viennois pour investiture, et un cens 2 sétiers de froment et Il confirme au monastère ses biens de Roysez ( ?) et au Mandement de Rochefort. L’abbé abandonne ses réclamations concernant l’enlèvement d‘un cheval. Le seigneur de Rochefort ne perçoit que le vingtain sur les terres albergées. L’abbaye lui doit encore deux sétiers de froment pour le territoire de Taney, rendables avec les autres à Rochefort. La famille de Pierre Peloux donne son accord. (CCXLI—12181).

A la Part-Dieu, le 26 février 1282, Guillaume Galarandi, fils de feu Pierre Galarandi de Chabeuil donne en aumône à la maison et à l’abbé de Léoncel ses propriétés ou possessions en pâturages dans le Mandement de Rochefort. Parmi les témoins, le cellerier et le maître des troupeaux de la Part-Dieu. (CCXLVIII—12539).

En 1284, commence l’épisode du conflit entre la communauté villageoise de Charpey et l’abbaye à propos des pâturages de Combe Chaude. Nous avons la chance d’avoir une documentation assez complète dans le cartulaire. Compte tenu de son exemplarité, l’histoire de ce conflit a été traitée à part dans nos textes n° 62 et n° 63.
En 1289, une sentence arbitrale entre Gérard, abbé de Léoncel, et Arnaud, seigneur de Rochefort, confirme le monastère dans sa possession et donc la jouissance des pâturages (CCLXI—13407).

En 1294, par sentence arbitrale, Jacques de Revel, abbé de Léoncel est dispensé (ou exempté) de devoir acquitter le droit de pulvérage dans le Mandement de Barbières.

Nous retrouverons le Mandement de Beauregard-Baret, plus précisément l’église de la paroisse de Meymans, à propos d’un événement qui concerne aussi le Mandement de Pizançon et le domaine cistercien de Saint-Martin d’Almenc.

Le 1er OCTOBRE 2014 Michel Wullschleger