XIIIème SIECLE : LES MOINES DE LEONCEL AU MANDEMANT D’ALIXAN ET SUR SES CONFINS.

Notre propos est toujours d’évoquer les divers modes d’élargissement du domaine temporel de l’abbaye. Nous avons annoncé que les relations des cisterciens de Léoncel avec l’évêque, avec les chanoines des divers chapitres et avec les autres monastères seraient étudiées plus tard. Dans cette plaine de Valence le gros problème reste la localisation des lieux cités par nos chartes. D’où l’association des confins du Mandement d’Alixan, d’où aussi la possibilité de confusions. Nous bénéficions heureusement de l’aide précieuse de Philippe Bringuier.
Fondée en 1137 l’abbaye fut très tôt attirée dans la plaine par des donations de terres plus aptes à la diversité des cultures, par l’accès donné à des pâturages d’hiver et par des facilités commerciales permettant, entre autres, l’acquisition essentielle de sel. Elle le fut d’abord essentiellement sur le territoire du Mandement d’Alixan où trouvèrent place entre 1137 et 1165, date de la première bulle d’’Alexandre III qui situe en plaine cinq des six premières implantations monastiques connues dont à l’ouest du village éponyme le futur domaine du Conier (on trouve aussi Cognier ou Cognet) et à l’est, celui de la Voupe. Le XIII° siècle allait conforter cette présence.

En 1201, la bulle d’Innocent III énumérant à son tour les positions cisterciennes cite « grangiam de Coniero » et « grangiam de Vulpa » (Cartulaire LXV, Regeste dauphinois 5763).

En 1209, Guillaume de Larnage (seigneurie au nord de Tain) et ses frères Boson et Humbert donnent en aumône à l’abbaye pour le salut de leurs âmes et pour le repos de leur père Guigues, décédé, la condamine dite de Larnage qui jouxte du côté du sud-est la grange du Conier (LXXI – 6056). Cîteaux les déclare « participants de toutes les bonnes œuvres de l’ordre » et si l’un d’eux veut prendre l’habit, il sera reçu gratis (sans apport).

En 1211, Humbert, évêque de Valence, renouvelle la charte de donation de son prédécesseur Falcon en 1192, le texte original traitant de la donation du Conier étant perdu (LXXI – 6160).

En 1233, une charte d’Arbert de Chabeuil, sacristain de Romans, fait remise à l’abbaye de 2 sétiers d’avoine de cens que lui payait la grange du Conier pour des possessions à Chassenette, un quartier de Chabeuil. Il fait cette aumône à la prière de son frère, couché par une maladie grave dont finalement il est mort. Subsistent cependant au profit d’Arbert trois corvées de bœufs, c’est-à-dire trois transports en charrette (CXII – 7198).

En 1237, à la « maison neuve du Conier » Guillaume du Treuil donne à Notre Dame et à l’abbaye de Léoncel sa terre de Gumandet aux confins des Mandements de Valence, Montélier et Alixan. Arbert de Chabeuil, doyen du chapitre de Valence qui avait cette terre dans son domaine approuve et appose son sceau (CXXIV – 7598).

leoncel-abbaye-71.1 En 1240, Gilles, commandeur du Barry, un quartier de Saint-Marcel lès Valence dans lequel était installée une commanderie de l’ordre des Hospitaliers de Jérusalem, bientôt unie au XIV° siècle à celle de Valence, vend à l’abbé Arnaud et à la maison de Léoncel un moulin à Corbellières sur la Barberolle et au Mandement d’Alixan pour le prix de 20 livres viennoises. Cette vente se fait sous l’autorité de Bertrand de Mornas, commandeur de l’Hôpital de Valence. Il s’agit de libérer la maison du Barry des dettes dont elle était grevée. Falcon du Plauster, seigneur du lieu, et son épouse Agnès reçoivent le plaid et bénéficieront à la Saint-Julien d’un cens de trois émines de froment et de 4 sols. Fait à la grange du Conier « dans la grande maison » dite dans un autre texte « la maison neuve ». Il est clair que les moines investissent en plaine ! Philippe, élu de Valence (évêque nommé mais non encore installé) et Falcon apposent leurs sceaux (CXXIX-7771).
Le 12 avril 1244, Pierre Colombier et ses fils Jean, Martin et Pierre, avec le consentement de Falcon du Plauster et de son épouse Agnès vendent à la sacristie de Léoncel, pour entretenir le 2ème cierge de la messe, leur pré à Corbelières, situé entre celui de Léoncel et celui d’André Chapeiron. Frère Jean de Romans, sacristain de Léoncel leur donne 4 livres et 10 sols viennois. Falcon et Agnès approuvent. Agnès fait remise elle-même pour le luminaire de la sacristie d’une émine de froment de cens levée sur le moulin de Léoncel à Alixan, au dessus de celui de l’hôpital et se contentera de 21 deniers sur le pré. En présence de l’abbé et du prieur de Léoncel, Falcon appose son sceau. (CXXXIII-8061).

Le 24 novembre 1244, Bona Femina (sage femme ?), veuve de Durand Guidonis d’Alixan, avec le consentement de son fils Guy, donne en aumône (sans aucune compensation) à Notre Dame et à l’abbé Arnaud, une terre près du ruisseau de Palaya (ou Palaïa), terre contigüe à celle des Hospitaliers de Valence (CLI-8104).

En février 1245, Odilon d’Estable, convers de la maison de Léoncel, confirme la liste des donations qu’il a faites à l’abbaye. Il cite un tènement à Gavaise (Saint-Marcel lès Valence) voisin du Conier, mais hors du Mandement d’Alixan (CXXXVIII – 8124).

Le 22 août 1246, Odon d’Alixan, damoiseau, concède à l’abbé Ponce et au monastère de Léoncel, le droit de pâturage dans toutes ses terres de la route du Royans à l’église de Chatuzange qui relève du Mandement de Pisançon, parerie poitevine, à condition de ne pas y entrer du 23 janvier (fête de saint Bernard) jusqu’à la levée du foin. Approbation familiale. Nous retrouverons Odon d’Alixan à propos de Chatuzange (CXLV – 8252).

Le 22 juillet 1247, Guy, fils de Bona Femina d’Alixan, confirme la donation de sa mère et fait le serment de la respecter. (CLI – 8368).

Le 13 novembre 1251, survient un échange de prés entre Guillaume, abbé de Léoncel, et Pierre Guilardi, commandant de l’hôpital de Jérusalem à Valence agissant au nom du commandant du Barry, pour mettre fin aux discussions entre les frères de la grange du Conier et ceux du Barry, au sujet de l’eau du Palaya (CLXIX – 8800).

le 26 janvier 1260, Hugues Richardi, clerc de l’église de St Pierre du Bourg lès Valence, cède à l’abbé André, sous l’investiture de 20 livres viennoises et avec un cens de 5 sols à payer à la saint André, trois pièces de bois avoisinant le bois du Conier. Le prévôt de Valence, Eustache de Morges qui avait ces bois dans son domaine, les confirme à la maison de Léoncel. Fait au Conier, grange de l’abbaye, devant plusieurs témoins religieux, et Odon d’Alixan, damoiseau. (CXCII – 9574).

A la Voupe, le 16 mai 1260, Guillaume d’Alixan vend à l’abbé André une pièce de terre aux Chaurères, au prix de 70 sols, monnaie de Vienne et de Valence. Approbation familiale : la terre provient de la dot de l’épouse de Guillaume (CXCIII – 9586).

Le 4 novembre 1261, Guillaume Hugues de Monteil, prévôt de Valence donne en emphytéose (contrat d’albergement) à André, abbé de Léoncel, trois pièces de bois aux Pierrettes, dans la paroisse de Saint-Marcel, contigües au bois du Conier et à la route de Romans, deux pièces de terre, et deux pièces de bois au Conier, appartenant jadis à Saint-Antoine dans la même paroisse. Il en garde le domaine direct, exige 8 sols viennois de cens à payer à la fête de Saint Apollinaire. Pour cette concession les moines lui versent 10 livres d’introges. Deux frères Richardi, ses bailes, reçoivent 20 livres pour leur baillie. Le doyen du chapitre de Valence approuve (CCIII – 9780).

De novembre 1261, nous avons aussi une pancarte en langue vulgaire, précisant les cens que l’abbaye doit à la prévôté de Valence pour la maison du Conier : 4 livres de cens payables à la Saint Apollinaire et 2 fromages de 6 sols pour 5 métairies, le clos prévôtal à Avaise ( ?), une terre, trois prés et cinq bois (CCIV – 9781).

leoncel-abbaye-71.2A Valence le 11 décembre 1264, Chabert, habitant du château d’Alixan, cède à l’abbé Dulcius, sous l’investiture de 25 livres viennoises (introges) et un cens annuel de 2 sols, un bois appelé la Blachette, près de la grange de la Voupe, possédé par lui en alleu franc de toute charge et limitant l’église et le prieuré de Coussaud et le chemin de Bagnols. Son épouse approuve, moyennant deux sétiers de froment et un fromage. Cet accord a été réalisé à Valence dans la maison d’un chanoine de la cathédrale. (CCXVII – 10.204).

En février 1267, Etienne Richardi du Bourg lès Valence concède en emphytéose à l’abbé Dulcius, sous le cens à verser à Noël de 3 sols viennois, un bois au Conier et une terre au champ que ses ancêtres ont possédée. Il reconnaît avoir reçu en investiture 12 livres viennoises. Ses quatre fils approuvent devant onze témoins (CCXXIX – 10.492).

En 1274, apaisement entre Gérard, abbé de Léoncel et Dalliou ou de Romans qui avait pris à la grange de la Voupe 11 bœufs et les avait emmenés à Romans (CCXXXV – 11.272).

Le 29 novembre 1285, Johannet Isarn de Bourg lès Valence vend à un convers de Léoncel, Pierre Segiyn, maître du Conier, au prix de 15 sols de monnaie viennoise une terre proche de l’église de Saint-Marcel, près du chemin public de Romans. Il s’en dessaisit entre les mains de Garnier Richardi qui touchait deux deniers de cens et qui, ayant reçu le plaid, investit les religieux, mais conserve sa directe selon la coutume de Valence. Cet acte a été rédigé dans la maison de Léoncel à Valence (CCLVI – 12.910).

Le 16 avril 1288, François de l’Oche, habitant Pisançon concède et accense en emphytéose perpétuelle à Pierre Romans, prieur de l’abbaye et à Martin, cellerier), sous le cens de 6 deniers viennois, deux terres et un bois séparés par le chemin de Romans aux Chaurères, limitant la terre de la maison de la Voupe, le bois de feu Adhémar Curson et la route de Valence. Il en investit les moines par la tradition d’un bâton et reçoit 10 livres et 15 sols en introges. Ses frères donnent leur consentement. Sont témoins le maître des troupeaux de l’abbaye, celui de la Part-Dieu, un baile de Pisançon et un notaire impérial de Romans. Apposition du sceau du chapitre de Romans (CCLIX -13.252).

Nous reviendrons au Mandement d’Alixan à propos des relations entre l’abbaye et le prieuré de Coussaud. On peut retenir de cette première visite la constitution de deux pôles cisterciens importants autour du Conier et de la Voupe et le fait que le contrat d’albergement a atteint sa maturité avant la fin du XIII° siècle. en plaine de Valence comme dans le Royans (voir n° 64).

1er NOVEMBRE 2014 Michel Wullschleger.