XIIIème siècle : LES CISTERCIENS DE LEONCEL AUX MANDEMENTS DE MARCHES ET DE PIZANCON (première partie)

leoncel-abbaye-72 Déjà très forte à la fin du XIIème siècle grâce à la fusion de la maison de la Part-Dieu avec l’abbaye de Léoncel, la position de cette dernière allait encore se consolider au XIIIème siècle dans les deux Mandements voisins de Pizançon et de Marches. Même si le domaine du Conier allait atteindre des dimensions supérieures à celui de la Part-dieu, compte tenu du rôle joué par cette dernière dans l’histoire de l’abbaye de Léoncel à partir de 1194, nous pouvons affirmer que nous sommes dans la partie de la plaine où la présence cistercienne a été la plus forte et la plus active. Chacun se souvient du rôle hivernal de la Part-Dieu, accueillant la communauté des moines de Léoncel « de la fête de saint André jusqu’à Pâques ». L’association des deux Mandements de Marches et de Pizançon ne devrait pas surprendre ceux qui connaissent les lieux. Il a déjà été question de la grande diversité des situations évoquées par nos chartes. Nous la retrouvons à nouveau. En 1201, pour le secteur géographique qui nous intéresse ici, la bulle d’Innocent III ne cite que la « domum » (maison) de la Part-Dieu (LXV – 5763).

En 1215, le 4 mars ,les fils de Guillaume Didier, Didier, Martin et Francon donnent à Notre Dame de Léoncel et à son abbé Etienne un cens de un sétier de froment sur le terrain du moulin de la Part-Dieu, de deux corvées de bœufs et de 8 deniers de cens auxquels étaient soumis les moines. Ceux-ci Les moines lui remettent 6 livres et demi. C’est le rachat d’un cens. Les fils de Guillaume abandonnent en outre le tiers d’un quarton sur la moitié du manse de Pierre Raimond. Et ils promettent l’assentiment de leur jeune frère Artaud quand il aura 15 ans. Approbation générale de la famille (sœur, oncle, mère). L’évêque de Valence et le doyen du chapitre épiscopal apposent leurs sceaux. Plusieurs nobles présents en font autant. (Cartulaire LXXVIII- Regeste Dauphinois 6262).

En mai 1217, plusieurs habitants de Saint-Just de Claix donnent à la maison et aux frères de Léoncel tout ce qu’ils possèdent de l’église du petit saint Jean (paroisse de Charlieu) à la maison de la Part-Dieu. Approbation des familles devant plusieurs témoins dont le prieur bénédictins de la Motte-Fanjas, des prêtres de Saint-Nazaire et de Saint-Just (LXXXI – 6 393).

En 1218, Odilon d’Estable formule des griefs contre la maison de Léoncel au sujet des prestations que les moines lui devaient pour des terres proches de la paroisse de Saint-Marcel-lès-Valence, voisines de celles cédées en 1194 par le doyen Lambert lors de la fusion de la Part-Dieu avec l’abbaye. Ces griefs concernent le don d’un sétier d’avoine fait par Villelma Charbonella et le pâturage à Chatuzange. Le don d’un poulain d’une valeur de 6 livres poussa Odilon à se désister de toutes ses revendications (LXXXIII – 6464).

Le 30 novembre 1223, le prévôt de Valence concède à la maison de Léoncel et à son abbé Bernard, deux pièces de terre l’une de 8 sétérées au poirier de Montauban, l’autre de 2 sétérées contigüe à la route du Royans, plus une condamine de 2 sétérées à Puyssac, une des paroisses du Mandement de Marches, le tout sous le cens annuel de trois sétiers de froment « tel qu’on le sème à la Part-Dieu ». Cette précision illustre la réussite agricole des cisterciens. Il s’agit d’un albergement puisque les moines donnent au Prévôt 15 livres (introges) et à ses trois fidèles 15 sols à chacun. Cet acte a été accompli t au château d’Alixan (XCI – 6709).

A Saint-Nazaire le 17 mars 1225, Guillaume de Poitiers, époux de Flote (ou Flotte) de Royans et père du comte de Valentinois Aymar III (le précédent n’ayant pas eu d’enfant, le titre passa à son neveu) concède à l’abbaye, à l’abbé Bernard et aux frères certaines possessions au Mandement de Marches et les exempte de péage pour tout ce qu’ils tireront de ces terres. Il reçoit 20 livres et le pardon pour quelques dommages (XCIV – 6768).

En 1225, Odilon d’Estable confirme son désintéressement de 1218. La charte est scellée par Guillaume, administrateur de l’église de Valence (LXXXIX – 6814).

Le 2 septembre 1233, Arbert, sacristain de Romans, concède en emphytéose à l’abbé Pierre et au monastère deux manses à Saint-Martin d’Almenc, entre le chemin qui va à Meymans et les deux ruisseaux de Fleurs et de l’Ozon et une pièce de terre au Mandement de Pizançon contre une investiture de 49 livres viennoises et un cens annuel de 10 sétiers de seigle à la mesure de Romans et 7 de froment, outre trois autres de froment pour une terre située au dessus de l’église de Puyssac. L’abbé lie sa promesse de paiement du cens à l’hypothèque de tous les biens du monastère. Nous sommes là aux origines du domaine cistercien de Saint-Martin d’Almenc. (CXV – 7240).

Le 20 novembre 1233, Francon de Curson vend à l’abbaye tout ce qu’il possède au Sablon, près de la maison de la Part-Dieu, aux Pouyets du chemin du Royans à ceux de Chatuzange et de Charlieu, un jardin un pré et un cens d’une émine de blé (environ cinquante litres) au prix de 10 livres et quatre sols en monnaie viennoise. Il se réserve 2 sols de cens. C’est donc un albergement. Le sceau de l’archevêque de Vienne est apposé sur la charte. (CXVI – 7253).

En février 1234, à Saint-Nazaire, en présence du prieur et du cellerier de l’abbaye, Flote, ou Flotte de Royans, fille de feu Osasèche (sic) sobriquet qui signifierait « jambes sèches » et veuve de Guillaume de Poitiers affirmait à l’abbé Pierre et aux frères de Léoncel que les possessions, accordées par Guillaume au Mandement de Marches relevaient de sa propre directe et qu’elle n’en avait pas approuvé la donation. Par l’entremise d’un cousin germain et du viguier de Romans, elle clarifia la situation en confirmant la donation de son mari et en y ajoutant le droit de pâturage dans le Mandement. Cet apaisement coûta aux moines 100 sols viennois (CXVIII – 7281).

Le 18 avril 1236, Bonne Femme Béraude, épouse de Guillaume de Portes et son fils Guillaume vendent à Guigou d’Eras, un prêtre qui achète au nom de Léoncel leurs droits au Mandement de Pisançon, au dessus de la route du Royans, au prix de 9 livres viennoises d’introges et de quatre sétiers de froment de cens. Mais il faut savoir que Bonne Femme Béraude déclare qu’à sa mort, son fils abandonnera deux sétiers pour le salut de son âme et de celle de son père et de sa mère et que les deux autres sétiers seront versés à son fils Guillaume et à ses descendants. Bonne femme pourrait désigner une sage-femme (CXXIII – 7440).

En août 1238, Richard de Chausen, chanoine de Romans et obédiencier de l’église de Charlieu concède à la maison de la Part-Dieu sept pièces de terre dans la paroisse de Charlieu, sous le cens de deux sétiers de froment Un obédiencier est un religieux qui par ordre supérieur dessert un bénéfice dont il n’est pas titulaire (CXXVI – 7633).

En mars 1244, Lantelme de Marches, chapelain de Valence, donne à la maison de Léoncel les terres de ses ancêtres situées à Marches et dans son Mandement. Il appose son sceau à l’acte rédigé à Valence, sur la Place des Clercs, entre la maison du viguier (de vicarium, comme vicaire : magistrat remplaçant) et l’église (CXXXIX – 8055).

Le 1er janvier 1245, Bernard Cervenz et Villelma son épouse cèdent leurs droits sur le territoire de Merline, entre le ruisseau de Fleurs et celui de la Limace au prix de 10 livres viennoises. Comme il faisait partie de la dot de Villelma, Bernard lui en donne l’équivalent (respect des droits de la femme !). (CXXXVII – 8115).

En février 1245, Odilon d’Estable, convers de l’abbaye de Léoncel fait le bilan de ce qu’il a donné au domaine temporel de l’abbaye. Il cite la tasque qu’il percevait au tènement de Gavaison (Saint Marcel), les pâturages situés à Chatuzange, à Bagnols et à Corrobier, un champ à Frivolans près de la grange de la Part-Dieu, 4 deniers de cens sur une terre près du poitier de Saint Alban. Il reçoit de l’abbé Bernard un poulain d’une valeur de 6 livres viennoises. Son fils, approbateur, avait lui-même donné une terre au Sablon contigüe à celles de la Part-Dieu et de l’église de Romans, une autre près du chemin de Chatuzange à Romans et 12 deniers de cens que lui donnait le maître de la Part-Dieu. Il reçut 24 sols. Il reconnut un autre jour avoir donné aussi à l’abbaye une terre contigüe au cimetière de Chatuzange et d’autres près de la route de Valence et des propriétés des Templiers et avoir reçu 8 livres, 8 sols et 2 sétiers de froment. Nous sommes sans doute en présence d’un noble étant entré au monastère après son veuvage et reçu comme frère convers puisque ne connaissant pas le latin, mais à même de rendre de nombreux services au sein de la société féodale. (CXXXVIII – 8124).

En Août 1246 Odon d’Alixan exploitait des terres, bois et possessions dans la paroisse de Saint Apolinaire de Chatuzange, pour lesquels il était tenu de donner un sétier d’avoine et 14 sols de cens au chapitre de Romans. Mais , pour cause de guerre (féodale) et aussi de négligence il les laissait incultes. Il accepta la solution proposée par le sacristain et les procureurs de Saint Barnard. Il achèterait ces biens immeubles au prix de 16 livres viennoises et pourrait les revendre à l’abbé Pierre et au monastère de Léoncel au prix de 50 livres (il avait tout compris !) Ainsi fut fait et il se déclara payé. Approbation familiale et sceau du chapitre de Romans. (CXLV – 8252).

En février 1247, Ponce d’Estable, damoiseau, fils d’Odilon donne à Notre-Dame et aux frères de Léoncel 4 pièces de terre situées dans la paroisse de Chatuzange à Montpéroux, aux Aillers, aux Vernets et à Bagnol et aussi Blache-Ronde et ses dépendances : une terre et un bois contigus à Bagnol. Il en investit l’abbé Ponce et confirme sa donation par serment sur les Evangiles. En juin 1247, le même donne aux cisterciens des parcelles de bois qu’il avait à Montpéroux, contigües au bois de l’Hôpital, un autre bois aux Aillers, également dans la paroisse de Chatuzange, et le droit de chasse dans toutes les propriétés qu’il a données à l’abbaye Il serait un peu étonnant qu’il donne le droit de chasse sur des terres dont les cisterciens seraient devenus les vrais maître. On peut donc penser à un albergement dont nous ne connaîtrions pas les conditions financières. Cette charte souligne l’importance de la possession de bois en plaine de Valence.(CL – 8339).

1er décembre 2014 Michel Wullschleger