XIIIème siecle : ECHOS DES RELATIONS DE L’ABBAYE AVEC LE CLERGE (3) LES MOINES ET LE MONDE MONASTIQUE : CITEAUX DANS LE CARTULAIRE DE LEONCEL

 
Le nom de Cîteaux ou l’adjectif cistercien apparaissent dans le cartulaire constitué par Ulysse Chevalier, mais il est clair que pour l’essentiel Cîteaux, Bonnevaux et Léoncel communiquent par des hommes plus que par des chartes. Certaines pourtant parmi ces dernières rappellent, sans doute pour conforter un acte, l’appartenance de nos moines à l’ordre de Cîteaux et d’autres évoquent la volonté de laïcs se donnant à lui. Comme l’avait souligné Marie-Françoise Giraud dans le Cahier de Léoncel n° 7, Bonnevaux qui était très présente dans nos archives du XII° siècle, grâce, surtout, au rôle et à la personnalité de l’ancien abbé Hugues de Châteauneuf, n’apparaît qu’exceptionnellement au XIII° siècle et pas toujours dans de bonnes circonstances. Il nous arrivera, à ce propos comme à d’autres de déborder un peu des limites du cartulaire.

En 1204, Villelma d’Eygluy, très gravement malade, se donne à Dieu, à la bienheureuse Marie, à l’ordre de Citeaux et plus spécialement à la maison de Léoncel. Elle fait à cette dernière l’aumône de ses droits dans les montagnes de Léoncel et du Chaffal et dans tout le domaine d’Eygluy. Il n’y a pas d’autres précisions géographiques (Cartulaire LXVIII – Regeste Dauphinois 5866.)

leoncel-abbaye-77.1  En 1209, à la suite du don d’une condamine proche du Conier les moines de Léoncel, au chapitre général de Cîteaux, constituent les donateurs « participants de toutes les bonnes œuvres de l’ordre. Une condamine est un espace faisant partie d’un domaine seigneurial travaillé par des tenanciers. (LXXI – 6056). La même année, les évêques de Die et de Valence, avec les abbés de Saou (ordre de saint Augustin), de Léoncel et de Valcroissant(ordre de Cîteaux) mettent fin au différend entre Gontard, prieur de Saint Félix et ses chanoines. Les relations entre l’abbaye de Léoncel et Saint Felix feront l’objet d’une chronique. (hors cartulaire, RD 6073).

En 1212, Eustache de Brion voulant se rendre en Espagne pour participer à la lutte contre les Sarrasins tient à réparer les dommages qu’il a causés à l’abbaye. Il lui ouvre les pâturages du Mandement de Baix ( partie de Plan-de-Baix). Il en exclut les animaux étrangers au monastère sauf ceux des villageois du Mandement. Sa famille approuve. Les religieux en rendent les membres « participants aux bonnes œuvres de la maison et de l’ordre de Cîteaux ». Bulle de Humbert, évêque de Die. (LXXV – 6176)

En 1213, Ponce de Mirabel se donne corps et âme à Notre Dame de Léoncel . Les religieux lui accordent la fraternité de leur maison et de tout l’ordre de Cîteaux ». « Pour le salut de sa famille il fait l’aumône au monastère de tous ses droits de la Balme de Saint Roman au col de Tourniol, ce qui conforte les cisterciens sur le fameux terroir céréalier de Combe Chaude où ils ont installé une grange.

En 1214, Guielina, épouse de Lantelme de Gigors se donne âme et corps à Notre Dame de Léoncel : les religieux lui promettent de la recevoir, quand elle le voudra, avec la permission de son mari et de son église, comme sœur de leur maison et de l’ordre de Cîteaux, comme fondatrice de Léoncel. Elle fait don de tout ce qu’elle possède sur la montagne de Musan. (LXXVI – 6256)

En 1214, Guielina, épouse de Lantelme de Gigors se donne âme et corps à Notre Dame de Léoncel : les religieux lui promettent de la recevoir, quand elle le voudra, avec la permission de son mari et de son église, comme sœur de leur maison et de l’ordre de Cîteaux, comme fondatrice de Léoncel. Elle fait don de tout ce qu’elle possède sur la montagne de Musan, ce qui conforte la position de l’abbaye sur cette montagne associant forêts, pâturages et même terres de cultures.(LXXVI – 6256)

En 1219 le chapitre général de l’ordre de Cîteaux, confie le règlement de la plainte du cardinal légat du pape en Albigeois contre l’abbé de Mazan, aux abbés de Léoncel, de la Chassagne (dans la Dombes un peu au sud de Bourg en Bresse) et de la Bénisson-Dieu (15 km au nord de Roanne et assez proche de Charlieu), qui feront une enquête et corrigeront s’il le faut (hors cartulaire : RD 6510)

Vers 1228, Saramand Olivier s’étant donné comme religieux à l’ordre de Cîteaux, la maison de Léoncel le reçoit comme frère convers. Il fait don au monastère d’un pré au quartier des Bourbourée à Châteaudouble et d’une terre au quartier de Chabrettes à Peyrus (CIII – 6968)

En 1232, Lantelme de Gigors se donne corps et âme à Notre-Dame, à l’ordre de Cîteaux et spécialement à la maison de Léoncel qui le reçoit comme un frère. Il fait des dons et promet une pitance (repas offert aux moines). L’acte s’est déroulé « au Chaffal, dans la chambre près de l’église »(CXI – 7128)

En 1247 une lettre du pape Innocent IV à l’archevêque de Vienne, à ses suffragants et à tous les prélats de la province de Vienne (abbés, prieurs, doyens, archidiacres, prévôts, archiprêtres, etc, leur demande de pendre la défense de l’abbé et des frères de Léoncel, de l’ordre de Cîteaux, qui se plaignent de préjudices matériels importants et du défaut quotidien de justice de la part de ceux qui la détiennent. Les moines de Léoncel se heurtent à l’hostilité des gérants (dits parfois bayles) de plusieurs domaines seigneuriaux. Leurs biens ont subi des dommages sérieux. (CLIII – 8381-8382)

En 1250, depuis Lyon, Innocent IV adresse une lettre aux moines de Léoncel, en leur précisant qu’ils doivent bénéficier, comme les séculiers, de la suppression des péages portant sur le blé, le vin, la laine et les animaux achetés pour leur propre usage ( CLXIV – 8696)

Le 26 janvier 1260 un clerc de l’église Saint- Pierre du bourg lès Valence alberge à André, abbé de Léoncel, ordre de Cîteaux, trois pièces de bois avoisinant le bois du Conier (CXCII -9574)

En août 1262 un habitant et « baile » de Saint-Julien de Trois Prés au diocèse de Die (Il s’agit du Monestier Saint Julien site d’un prieuré bénédictin situé sur l’espace appelé à devenir au XIV° siècle Beaufort sur Gervanne), vend à André, abbé du monastère de Léoncel, ordre de Citeaux, une pièce de terre à Saint Julien (CCIX – 9887)

Le 11 décembre 1264 un habitant du château d’Alixan alberge à Dulcius, abbé du monastère de Léoncel, ordre de Cîteaux un bois près de la Voulpe, limitant l’église du prieuré de Coussaud, dépendant de Saint Félix. (CCXVII – 10204)

Le 1er février 1265, Ponce Bertrandi, clerc, se donne corps et âme à Dieu, à Notre Dame de Vernaison, ordre de Cîteaux. Il élit sa sépulture dans ce monastère qu’il institue héritier de tous ses biens et droits, sauf quelques legs à des neveux. (RD 10217)
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Le 11 novembre 1265, est élaboré un compromis entre Pierre de Saint-Didier, prieur du Chaffal et Dulcius, abbé de Léoncel à propos des limites de leurs temporels. Donnent leur consentement ou leur assentiment Arbert abbé de la Chaise-Dieu et Daniel, abbé de Bonnevaux, père immédiat de Léoncel. Un chanoine de Saint-Pierre du Bourg est choisi comme arbitre. (CCXXIV – 10346).

Le 31 mai 1268, Alamand de Condrieu, chevalier, achète à la maison de Léoncel et à son abbé Pierre la grange cistercienne de Lens (il s’agit de Lens Lestang, Lentio en latin, et non, comme on l’a cru longtemps, de Lente, Lenta en latin). Elle était alors située dans la paroisse de Serre très vaste, comme c’était souvent le cas. Elle est vendue pour le prix de 475 livres. Selon une charte de1244, deux trentains et demi de moutons (75 bêtes) avaient une valeur de 15 livres. Avec 475livres (même en tenant compte d’un peu d’inflation) on devait pouvoir acheter quelque 2000 moutons, ce qui illustre l’importance de cette grange et de ses bâtiments. Or l’ordre avait interdit de vendre les biens cisterciens. La charte précisait encore que l’abbé serait hébergé dans son ancienne grange trois à quatre fois par an lorsqu’il se rendrait à Bonnevaux ou ailleurs. (CCXXXI – 10650) En 1276 le chapitre général de Cîteaux décide que les anciens abbés de Bonnevaux et de Léoncel qui, s’étant rendus coupables de nombreux et graves excès et ayant mal gouverné leurs monastères, ont mérité une sentence de déposition. Désormais, ils n’exerceront aucune charge et demeureront inéligibles, à moins de dispense du chapitre ; ils devront restituer les biens dont ils ont dépouillé leurs monastères et s’ils ne le font pas d’ici la Toussaint, ils seront excommuniés. On remarque dans le cartulaire l’absence de chartes évoquant l’abbaye de Léoncel entre 1270 et 1274 et une seule pour cette année là. C’est une mauvaise période sans aucun doute que traversent les deux monastères. (RD 11587)-

Le 8 mai 1283, Guillaume, archevêque de Vienne, vidime trois privilèges accordés à l’abbé de Cîteaux par les papes Alexandre IV le 2 janvier 1258 et Honorius III le 24 novembre 1221. Il y a un écho de ces textes dans notre livraison n° 75. Nous savons que, concernant les problèmes de gouvernance de l’ordre, Rome appuie l’abbé général plutôt que les « quatre premiers abbés », ceux de la Ferté, de Pontigny, de Clairvaux et Morimond, et se soucie de la nomination au « conseil des définiteurs » d’abbés appartenant à d’autres filiations. Rome également, confie la protection (et la surveillance) de l’ordre à un cardinal. Les papes souhaitent surtout que le conflit entre l’abbé de Cîteaux, abbé général, et les abbés des quatre premières filles ne dégénère pas. (CCXLIX – 12586)

Le 28 décembre 1286 est connu le testament de Guielina de Suze. Elle élit sépulture dans le cimetière du monastère de Léoncel, ordre de Cîteaux, et fait don de biens situés à Ansage, à Montclar et à Baix (Plan de Baix). (CCLVIII – 13071)

Le 16 avril 1288 un albergement est concédé au prieur et au cellerier de la maison de Léoncel, de l’ordre cistercien. Il s’agit de deux terres et d’un bois proches de la Voulpe. (CCLIX – 13252)

leoncel-abbaye-77.4Le 13 juin 1288, Martin, cellerier de la maison ou abbaye de Léoncel, de l’ordre de Cîteaux, proteste au nom de l’abbé Giraud contre la construction au profit d’Aimar de Poitiers, seigneur d’Eygluy et comte de Valentinois sur un espace considéré comme sien par l’abbaye. Déclaration solennelle, interdiction de continuer, et jet de pierres symboliques (?) notamment contre Etienne un convers du Val Sainte Marie qui fait partie de l’équipe assurant la construction. Parmi les témoins on note la présence d’ Etienne de Moirans, notaire impérial. Et Pierre d’Echallon, official de Valence appose le sceau de sa cour. La réplique au comte e Valentinois a été bien préparée !(CCLX – 13284)

En 1298, le chapitre général de Cîteaux enjoint à toutes les abbayes des provinces d’Embrun et de Vienne, entre autres, de payer leur quote part de la contribution imposée à tous les couvents pour la défense des libertés de l’ordre dans l’octave de la purification à Lagny sur Marne, sous peine d’excommunication et de déposition. (hors cartulaire – RD 15207)

Le 1er mai 2015 Michel Wullschleger