XIIIème SIECLE, DE LEONCEL AU ROYANS

Il s’agit de chartes concernant les implantations de l’abbaye de Léoncel dans le Mandement de Saint Nazaire. Au nord et à l’est, les limites de cette juridiction sont la Bourne, puis le Cholet, puis, en gros, les crêtes de la forêt de Lente au dessus du Mandement du Vercors (dans le secteur de la Chapelle), puis de ceux de Vassieux et de Quint. A l’ouest, jusqu’en 1317, date de naissance de la seigneurie de Rochechinard, c’est la limite du Mandement d’Hostun puis la crête de Musan et de l’Epenet qui définissent l’espace dominé par les seigneurs de Saint-Nazaire jusqu’au Col de Tourniol. Au sud la limite du Mandement de Saint Nazaire redescend par le ravin de Trinquetaille jusqu’à proximité immédiate de l’abbaye et suit le chemin conduisant au Pas de l’Echaillon. De là, restant en altitude, elle gagne le Pas Chauvet, puis le col de la Bataille, le col de Toulau et le scialet de la Chaumate, d’où elle file en droite ligne jusqu’au Pas de l’Aubasse avant de rejoindre le Pas de la Ferrière, tout au nord-est du plateau d’Ambel. Au début du XIII° siècle le Mandement de Saint-Nazaire est indéniablement sous la tutelle du Comte de Valentinois. Au cours du siècle, notamment dans la dernière décennie la position et l’influence des Dauphins de Viennois tendent à se conforter. Elles deviendront plus fortes encore avant le Transport du Dauphiné.

leoncel-abbaye-64.1 Pour chacune des chartes citées nous donnons le numéro en chiffres romains que lui attribue le Cartulaire de Léoncel, constitué par le chanoine Ulysse Chevalier et en chiffres arabes celui qu’elle porte dans son Regeste Dauphinois.

En 1214, devant onze témoins auxquels s’ajoutent l’abbé de Léoncel et une partie du couvent, Guielina, épouse de Lantelme, seigneur de Gigors se donne « âme et corps » à Notre-Dame de Léoncel. Les cisterciens lui promettent de la recevoir quand elle le voudra, avec la permission de son mari et de sa paroisse, en tant que sœur de leur maison et de tout l’ordre de Cîteaux et comme « fondatrice » de Léoncel. Elle leur donne, en aumône tout ce qu’elle possède au territoire de MUSAN et donc leur abandonne les 2O sols viennois que l’abbaye payait chaque année pour l’utilisation de cette montagne. Les deux Lantelme, son époux et son fils, ainsi que sa fille font chorus à sa décision. (CART. LXXVI – RD. 6256)

En 1234 Flote de Royans, approuve et loue la donation faite en décembre 1174par son grand-père Guidelin et ses fils (parmi lesquels son père) de la montagne de Musan et fait remise de tout ce qu’elle prétendait y posséder. Sont témoins l’abbé de Léoncel, le sous-prieur et le viguier de Romans. La même année elle enjoint à Etienne Roux de payer à au monastère les douze deniers qu’il lui donnait pour le forestage. De cette dernière décision, scellée par Flote, est témoin Lantelme, prêtre de Saint-Nazaire. (CART. CXVII – RD. 7281)
En février 1251, à Meymans, Arnaud Guidelin de Royans approuve la donation de la montagne de Musan, faite à l’abbaye de Léoncel en 1174 par ses parents ou grands-parents 11 74 ( Guidelin de Royans et sa femme Flote) (CART.CLXV – RD 8710)
En 1251 également le dauphin de Viennois Guigues VII, comte de Vienne et d’Albon, « désireux d’augmenter plutôt que de réduire les biens donnés aux religieux », confirme à l’abbé Guillaume et aux moines la donation des Guidelin de Royans sur la montagne de Musan et celle de son père Guigues VI-André en 1227. Depuis Saint-Donat, ce dernier avait, pour le salut de l’ âme de ses ancêtres et la rémission de ses propres péchés, accordé aux cisterciens l’exemption de leydes, péages, pontonages et usages par terre et par eau. (CART. CLXVII – RD. 8774)
Toujours en 1251, Flote de Royans fait savoir qu’elle a confirmé la donation de 1174 à la maison de Léoncel. (CART. CLXX –RD 8819)
Ces chartes rendront de grands services aux cisterciens lorsque leur propriété sur la montagne de Musan sera contestée par certains seigneurs devant le Parlement de Grenoble, notamment dans les années 1720.

leoncel-abbaye-64.2En 1257, depuis le château de Grâne où elle demeure, Flote, dame du Royans, épouse de Guillaume de Poitiers dont Aymar II était le neveu (sans héritier) , et mère d’Aymar III, comte de Valentinois, intervient comme arbitre entre André, abbé de Léoncel et Pierre Sablon et sept autres hommes qui ayant longuement « tenu » sous la redevance du tiers des revenus, des prés baignés par le ruisseau de Léoncel et la Lyonne au dessus de la Croix de Tamée, en revendiquaient l’appropriation. Comme la propriété des moines était incontestable, l’arbitre leur impose de payer un cens de 50 sols viennois payables à l’Annonciation et 10 livres pour une nouvelle investiture. Il semble bien que l’on passe de la simple censive à l’albergement. Mais le tiers des revenus se limitera donc à 50 sols. Sceau de Flote. (CART. CLXXXIII – RD. 9338)

Le 31 janvier 1264, deux frères, Guillaume et Ponce Valancza ou Vanza, reconnaissent devant l’abbé Dulcius que leur père Ponce Valancza de Bouvante avait fait remise à l’abbaye de 3 sols 1 obole de cens que les cisterciens lui servaient pour l’utilisation de bois et de prés. Ils confirment cette donation. Eux-mêmes, Ismondi Argondi et son fils Guigues ne possèdent que 2 sétérées de pré à Cropon et 6 à Chalat. L’abbé leur donne 40 sols viennois pour investiture. Ils se désinvestissent entre les mains d’Arnaud Guelini, seigneur de Rochechinard (Rupis Sinardi) qui investit le moine Bernard Flavial. Fait à Saint-Martin de Flandène (Saint-Martin le colonel) (CART. CCXVIII – RD. 10211)

Le 18 juin 1269, le chevalier Guidelin de Rochechinard contestait à l’abbé et à son couvent le droit de construire dans le bois de la Chaumate, sur Ambel, une celle pour y faire du fromage. Mieux instruit par des témoins du droit des moines, il se désiste de son opposition et fait don de ses droits éventuels. A la Motte Fanjas, dans le cloître. Parmi les témoins, le prieur local, le chapelain de Meymans et deux damoiseaux. (CART. CCXXXII – RD 10739)

leoncel-abbaye-64.3En juin-juillet 1275, Arnaud Guidelin, chevalier, seigneur de Rochechinard confirme à l’abbé Girard et à la maison Notre Dame de Léoncel, la donation faite par son aïeul Guidelin et ses fils de toute la montagne de Musan, des pâturages à partir de la rivière de la Lyonne qui se jette dans la Bourne et celle-ci dans l’Isère, sauf droit de passage pour les brebis du Val Sainte Marie. Il confirme aussi l’exemption de péages et de leydes sur ses terres. Il renouvelle cette donation
pour lier ses héritiers. Sceau du donateur et du prieur du Val Sainte-Marie. Témoins le prieur de l’abbaye , le chapelain du château de Rochechinard et quelques autres. (CART. CCXXXVI – RD. 11429)

En juin 1279 est imposé par Berlion Coppili, prieur de Saint-Romans et Jean de Chatte, Chapelain de Saint Lattier , pris comme arbitres, un compromis entre Giraud, abbé de Léoncel, et les frères Pierre et Guillaume de Flandènes. Les arbitres reconnaissent aux religieux le droit de percevoir les tasques dans les essarts depuis le col de Biou jusqu’à la combe de Guigues, au col de l’Oschet et à la Lyonne. Fait dans la combe de Léoncel, dans le pré de Moratz. Plusieurs damoiseaux et le chapelain d’Oriol sont témoins. (CART.CCXL – RD 12045)
Le 29 février 1296, près de l’orme de l’hôpital de Saint-Nazaire, puis dans la paroisse de Sainte-Marie d’Oriol, Martin Roch, sous prieur de la maison de Léoncel reçoit les « reconnaissances » des tenanciers du Royans. Il s’agit donc de contrats d’albergement. L’un de ces tenanciers, comme investiture, a fait faucher les prés de la maison. On mentionne la présence de l’abbé Giraud de Vassieux, Ponce de Chabeuil , sous cellerier, et Bernard Flaviol, cellerier, de Jacques, clerc d’Aiguebelle, habitant à Saint-Nazaire, notaire impérial et juré de la cour des comtés de Vienne et d’Albon. (CART. CCLXXVI- RD. 14665)

Le 1er mars, Pierre du Gua (de vado) juge des comtés de Vienne et d’Albon, assigne l’abbé à Saint-Nazaire, le lundi après la quinzaine de Pâques, pour produire
les dix jours suivants les témoins en sa faveur dans la cause pendante entre lui et le procureur du dauphin. (CART. CCLXXVII – RD. 14666)

Le 9 avril 1296, A Saint Nazaire, en présence de Pierre de Gua, juge maître, d’Odon procureur, d’Aymonet, greffier et de Pierre de Saint Robert, notaire impérial et juré de la cour du dauphin, Jacques, abbé de Léoncel, établit contre le dauphin et son procureur, grâce aux dépositions de 15 témoins que son monastère a joui depuis 40 ans et plus du droit de percevoir aux Jacots, « le terragium, les tachias, laudimia, placimenta, introgia.. », de céder à cens et comme emphytéose les terres et les bois. L’albergement s’est vraiment imposé. (CART. CCLXXVII – RD 14689). Texte regroupé avec le précédent par Ulysse Chevalier dans son cartulaire.

Le 22 mai 1296, la dauphine Anne, comtesse de Vienne et d’Albon et dame de la Tour, héritière de la principauté du Dauphiné, (elle a épousé Humbert de la Tour du Pin , devenu dauphin Humbert Ier, fondateur de la troisième dynastie), mande à Pierre de Gua, juge de la cour des comtés susdits, qu’elle a reçu une supplique de l’abbé et du couvent de Léoncel, au diocèse de Valence. Elle lui ordonne de les protéger contre les exactions de son châtelain de Saint-Nazaire et de les maintenir en possession des biens que leur ont donnés les dauphins Guigues-André son aïeul et Guigues VII son père. Elle a apposé à sur sa missive le sceau secret des dauphins. (CART. CCLXXIX – RD 14709)

leoncel-abbaye-64.4Le 10 décembre 1296, une sentence arbitrale déboute noble Pierre Roman d’Hostun et Jean de Rochechinard de leurs prétentions sur des terres et pâturages de la montagne de Musan, appartenant à l’abbaye de Léoncel, sauf le droit de bûcherage. Les religieux donnent au premier 20 sols viennois et au deuxième 50 (Cart : CCLXXXI – RD 14808).

Le 26 juillet 1297, une enquête est ordonnée par Aimar Comte de Valentinois, contre un bandit Arnaud Clavel, de Flandènes, qui s’était introduit dans le monastère de Léoncel et y avait commis beaucoup de vols. Il est condamné à être pendu (Archives Isère, RD 14936)

On retiendra dans cette partie du domaine temporel des cisterciens de Léoncel, comme dans les autres, la progression du faire valoir indirect, notamment dans la seconde moitié du XIIIème siècle.

1er avril 2014 Michel Wullschleger